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par l’ethnologie de si rapides et si surprenans contrastes intellectuels dans le sein d’une même population.

Est-ce cette volte-face imprévue de ses représentans qui fait tort au celtisme dans l’esprit de l’auteur des Assises ? Toujours est-il que le Germain tout court, qui n’est ni cette ni Slave, apparaît d’ordinaire dans son livre comme « le mieux doué » au sein de cette sous-trinité ethnique. Mais le Germain est bien loin de s’y confondre avec l’Allemand contemporain, incarnation tout au contraire du Slavo-Celto-Germain par excellence, mélange si caractérisé des trois races qu’il se montre parfois moins germanique en ses manifestations que ses voisins Celtes ou Slaves purs. L’Anglais serait plutôt qualifié pour réclamer le titre de Germain sans mélange, car son compatriote lui décerne la palme de la vigueur parmi les nations européennes en ajoutant, après Gobineau, qu’il doit cet avantage à son isolement insulaire.

Quoi qu’il en soit du Germain dans le présent, il formait certainement, au début de l’ère chrétienne, la matière ethnique de ces tribus barbares décrites par Tacite et si négligemment délimitées au point de vue anthropologique par M. Chamberlain. De ce foyer lumineux allumé au cœur de l’Europe centrale sont sortis les rayons les plus éblouissans du génie créateur en tous genres. Car, en les définissant par leurs dispositions intellectuelles, morales ou politiques, notre philosophe proclamera Germains tous les savans depuis Marco-Polo jusqu’à Galvani, tous les inventeurs de Roger Bacon à Lavoisier, tous les penseurs de François d’Assise à Kant, tous les artistes de Giotto à Gœthe, tous les politiques de Charlemagne à Crispi, en passant par Colomb, Bruno, Campanella, Michel-Ange, ou Raphaël. — En effet, s’il partage les défiances de Herder, de Gobineau, de Wagner contre le côté latin et classique de la Renaissance, il est intimement convaincu que toute la floraison artistique en fut spécifiquement germaine. Puisque l’érudition allemande va jusqu’à prétendre aujourd’hui que les Vandales furent les protecteurs des arts, ce lui est un jeu que d’établir l’origine gothique ou lombarde des grands hommes de l’Italie médiévale. Ce sont donc les tisons ardens du foyer de la conquête qui, avant de s’éteindre au delà des Alpes sous les résurrections latines, y jetèrent un dernier et fulgurant éclat. Raphaël était blond, n’est-il pas vrai ? et, ce qui est beaucoup plus décisif encore, il admirait Savonarole, l’ennemi de la Rome papale. Michel-Ange montre pour sa part un autre