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les races inférieures ! L’on pressent, par l’accent ému de ces lignes, à quels sentimens passionnés s’abandonnera M, Chamberlain devant le plus ancien portrait du héros de son poème philosophique. Il croit en effet retrouver sur les monumens des Pharaons les traits de l’Amoritain, aussi bien que ceux du Hittite, parmi les alliés ou les prisonniers des armées égyptiennes. Il nous en offre la reproduction parallèle, et ne peut alors se lasser d’opposer le beau visage du frère des Goliath, des David et des Salomon, ces traits ouverts où resplendit l’intelligence et la force du caractère, aux faces rusées et mauvaises, aux museaux bêtes ou méchans de toute la canaille environnante : Babyloniens, Hébreux, Hittites ou Nubiens.

En punition de leurs péchés ethniques, les Amoritains ont dès longtemps quitté le théâtre de l’histoire, et ne sauraient agir que de loin, par les vestiges de sang aryen qu’ils importèrent dans les veines sémitiques, sur les destinées du XIXe siècle ou des siècles suivans. Il n’en est pas de même de ces Indo-Européens que leur sagesse dans les questions de cœur, ou plutôt le hasard heureux des circonstances géographiques a préservés du sort néfaste des Amoritains : les Slavo-celto-germains. Signalons tout d’abord ce fait que les sympathies slaves de M. Chamberlain n’ont pas été très favorablement accueillies par les teutomanes du temps présent ; ces esprits chagrins redoutent non sans raison le voisinage du colosse moscovite, et les progrès de ses cliens actuels ou futurs dans la monarchie austro-hongroise ou dans les provinces orientales de l’Empire allemand. Ces théoriciens jugent volontiers les peuples latins réduits dès à présent à l’impuissance dans les compétitions mondiales de l’avenir, mais ils ne pensent pas de même des sujets du tsar blanc. Il y a donc, estiment-ils, une sorte de trahison à introduire dans le camp germanique ces dangereux concurrens, ces ennemis implacables du Deutschtum. Mais M. H. S. Chamberlain voit de plus haut et de plus loin : ainsi que Gobineau, il se garde bien d’identifier les termes de Germain et d’Allemand. Toutefois, il fait une légère concession aux contradicteurs que nous venons de signaler : ses Slavo-celto-germains n’acceptent dans leurs rangs que les « vrais » Slaves[1], dont le cheveu blond lui paraît cette fois décisif ; car il est prêt à reconnaître

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