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Et que dirait M. Chamberlain de certains historiens qui font des Méditerranéens, des Massiliotes, une peuplade d’Aryens bruns ; peut-être plus authentiques que les blonds ? Ne faut-il pas maudire une physionomie ethnique assez complaisante pour devenir de la sorte un véritable masque, bon pour le carnaval de quelque côte d’Azur ? — Et pourtant notre homme entend conserver le concept d’Aryen, à condition de le définir par la voix de la conscience de race, et par le coup d’œil psychologique. C’est, dit-il, une de ces working hypothesis qui soutiennent la science dans sa marche hasardeuse, et qui, même erronées, produisent à la fin plus de vérité que de mensonge. C’est surtout, nous le verrons, le déguisement ethnique d’un idéal kantien purement moral en son fond, l’Aryen étant l’Homme tel qu’il devrait être. De là ses fréquentes et importantes apparitions dans les Assises du XIXe siècle. Tout cela est assez hardiment posé, il faut le reconnaître, et dans ces sphères éthérées de l’inspiration personnelle, notre auteur demeurerait assez difficilement attaquable en vérité. Par malheur, c’est en somme une première infidélité à ces résolutions prudentes que d’aller demander à Darwin et à son école le secret des renaissances inespérées et des cures patientes de la race. Car c’est aborder un terrain presque aussi disputé, aussi perforé par les mines et contremines érudites, que celui de l’anthropologie craniométrique, qui fut tout à l’heure évité par un mouvement tournant, si magnifique de sang-froid dédaigneux.

Voici qu’on nous expose à présent de la façon la plus dogmatique les cinq conditions qui concourent à la confection ou à la réfection d’une race noble. Pour l’artisan conscient d’une si belle œuvre, pour le Lycurgue d’une Sparte darwinienne, la première de ces conditions sera d’opérer sur une matière ethnique favorable, plastique, généreuse, et c’est là un point fort délicat, par où s’introduit déjà mainte possibilité d’arbitraire dans l’appréciation des experts chargés de prononcer sur le résultat final. M. H. S. Chamberlain va nous en donner bientôt un exemple personnel. En effet, tout peuple et tout individu ne juge-t-il pas excellens ses propres ancêtres ; inférieurs, odieux même les ascendans des autres nations, des autres familles quelquefois ? Prononcerons-nous donc jamais avec impartialité sur la matière première d’une race qui n’est pas la nôtre ?

En second lieu, on exigera l’exclusivisme dans les alliances,