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pour autel la liberté, pour dogme les droits et les devoirs du citoyen, pour révélation d’en haut la conscience et la raison humaine. » Et s’ils n’ont pas les narines emportées par cet encens violent, c’est qu’ils sont habitués à la flagornerie comme Mithridate aux poisons. Mais la fumée ne les en rassasie pas ; M. Combes le sent, et il ajoute :


M. Pelletan et moi, nous représentons un gouvernement qui plaide en toute occurrence, et notamment devant les commissions du budget, avec chaleur et conviction, la cause des instituteurs, et pour qui l’instituteur est le facteur nécessaire de tous les progrès moraux que la République est tenue de réaliser si elle veut justifier la belle devise dont elle se pare.


Et c’est un amour désintéressé :


On nous accuse, Messieurs, de faire de vous des agens politiques au service des hommes bien vus du pouvoir. Non, Messieurs, il n’est pas exact que l’instituteur ait pour mot d’ordre de servir la cause de personnalités quelconques ; il a pour mot d’ordre de servir la cause de la République. Quand il se consacre à cette mission, il accomplit sa lâche essentielle, lâche inséparable de ses fonctions.


Mais plus loin, pour finir, à la minute d’éloquence où l’on grave dans le souvenir des auditeurs les syllabes sacrées qu’on y veut enfoncer :


Autant et plus qu’un autre corps de fonctionnaires, vous avez servi la République avec une égale fidélité dans la bonne et la mauvaise fortune.

Ni l’ordre moral, ni le boulangisme n’ont eu raison de votre foi républicaine. A l’heure actuelle, le nationalisme ne médit de vous et ne vous fait grise mine que parce qu’il n’a pu vous entamer.

Vous avez également un autre mérite que je ne veux pas perdre l’occasion de louer, c’est de résister victorieusement aux républicains défaillans qui ont partie liée avec la réaction et qui cherchent inutilement à vous entraîner de leur côté[1].


Après des déclarations aussi catégoriques, prétendre que le gouvernement fait de ses instituteurs « des agens politiques » ne saurait être le fait que d’un retardataire de « l’ordre moral, » d’un réactionnaire du boulangisme ou du nationalisme, d’un « républicain défaillant, » qui, dans l’aveuglement de sa haine, passe sa vie à dénigrer, à calomnier le gouvernement !

  1. Discours prononcé le 8 août par le président du Conseil, ministre de l’Intérieur et des Cultes, à la séance de clôture du congrès des Amicales des instituteurs et institutrices à Marseille. — Journal officiel du 10 août, p. 5146.