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qui prive une partie du Cambodge de la côte qui en dépend naturellement ; le Luang-Prabang tout entier, rive droite et rive gauche, sera sous la suzeraineté exclusive de la France ; les étrangers inscrits à la légation de France, les Cambodgiens, les Chinois possédant des établissemens en Indo-Chine jouiront de la protection et de la juridiction de nos représentans. Telles sont les conditions sans lesquelles nous ne saurions accepter de signer une convention quelconque. Des négociations sont actuellement pendantes entre la cour de Bangkok et le quai d’Orsay. Pour notre dignité et nos intérêts, ces pourparlers doivent être courts ; si les Siamois refusent de nous donner les satisfactions dont nous avons besoin, la solution est bien simple : il suffit d’appliquer intégralement, avec énergie, dans sa lettre et dans son esprit, l’acte de 1893 qui n’a jamais cessé d’être en vigueur.


VI

Dans cette étude toute générale, où nous avons cherché, en nous dégageant des polémiques suscitées par le traité du 7 octobre 1902, à déterminer les conditions générales de la vie et de l’expansion de la France en Indo-Chine, nous avons volontairement laissé dans l’ombre toutes les déchéances partielles, toutes les humiliations locales dont nos rapports avec le Siam ont été l’occasion et dont les courriers d’Extrême-Orient nous apportent l’écho ; nous n’avons insisté ni sur les conséquences de l’adoption de l’étalon d’or par le Siam, ni sur les multiples incidens où s’est révélée l’insolente satisfaction des Siamois après la signature du traité de 1902, ni sur les vexations qu’ils ont fait subir à nos nationaux abandonnés. La cause est aujourd’hui jugée : les faits ont montré ce que l’expérience de tous les « asiatiques » affirmait depuis longtemps, c’est qu’il ne faut pas attendre d’une politique de concessions et de recul le retour de ce que l’on a appelé les « relations normales » avec le Siam. Rêver d’une politique d’entente cordiale avec Bangkok et poursuivre en même temps le développement, même uniquement économique, du Laos français, c’est une contradiction absolue d’où il ne peut sortir que l’incohérence. Tant que nous serons en Indo-Chine, tant que nous serons sur le Mékong avec la volonté formelle d’en rester les maîtres, d’y faire du commerce et d’y écouler nos produits, nous aurons les Siamois pour adversaires.