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protocole de 1896, c’est le commerce étranger, transitant par Bangkok, qui règne sans partage.

Ces conditions naturelles si défavorables pour nous, serait-il possible de les modifier, ou, en d’autres termes, dans quelle mesure le Mékong, capricieux et indiscipliné, serait-il susceptible d’améliorations ? C’est la première question que nous devions nous poser. Le fleuve, on le sait, n’est pas absolument impraticable à la navigation, puisque deux de nos canonnières fluviales ont pu le remonter jusqu’aux frontières de la Chine ; mais elles n’ont accompli cette prouesse d’« acrobatie nautique » qu’au prix de longues difficultés et de dépenses qui rendent pareil tour de force pratiquement irréalisable pour les bateaux de commerce. D’ailleurs les canonnières sont, pour ainsi dire, prisonnières dans le Haut-Mékong ; elles ne se risquent pas à redescendre le fleuve qu’elles ont si laborieusement remonté. De leur côté, les Laotiens lancent au fil de l’eau des radeaux qui parviennent à descendre jusqu’à la mer, mais qui ne remontent pas ; les mariniers les démolissent, vendent les bois dont ils sont constitués et reviennent chez eux par Bangkok, d’où ils rapportent une pacotille de marchandises siamoises. Les messageries fluviales ont cependant établi un service de Khône à Luang-Prabang : le voyage se fait au moyen de chaloupes à vapeur et de pirogues avec, de temps à autre, des trajets à terre pour éviter les plus mauvais passages. Tous ces transbordemens allongent si bien la durée de la route qu’il faut, aux basses eaux, soixante-dix jours à un voyageur presque sans bagages pour parvenir de Khône à Luang-Prabang, et que, même pendant les hautes eaux, le Mékong peut être considéré, sauf dans les limites des biefs navigables, comme un fleuve commercialement inutilisable. Des études détaillées sont actuellement faites pour savoir si des améliorations méthodiquement conduites suffiraient à corriger le cours du fleuve de façon à le rendre pratiquement navigable pendant la plus grande partie de l’année ; un plan de travaux, dont quelques-uns ont déjà été entrepris, a été préparé ; on s’appliquerait d’abord par quelques dérochemens, quelques balisages, à rendre les voyages faciles et sans danger dans les biefs les moins accidentés et on arriverait ainsi progressivement à ne plus laisser subsister que deux séries de rapides, ceux de Kemmarat et ceux qui s’étendent entre Vien-Tiane et Paklay ; ceux-là pourraient être évités par des tronçons de voie ferrée qui,