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à construire dans la vallée du Mékong est capitale pour l’avenir de la puissance française en Indo-Chine.

Jusqu’à Khône, en partant de la mer, le Mékong est navigable pendant la plus grande partie de l’année ; les transports fluviaux y sont très actifs et profitent exclusivement à nos nationaux. La province de Battambang elle-même, siamoise de par les traités, fait tout son trafic avec Pnom-Penh et Saigon, grâce à un bras de rivière accessible aux vapeurs. Mais, en amont de Bassac, et jusqu’à Savannakek, s’étend, sur 220 kilomètres environ, une section où le fleuve est semé de bancs de roche, qui provoquent des tourbillons et des remous, et qui rendent la navigation impossible aux basses eaux, très difficile même pendant les hautes eaux ; c’est la série des rapides de Kemmarat, dont le plus dangereux, celui de Keng-sa, est tout à fait impraticable à l’époque de l’étiage. A Savannakek commence un beau bief libre qui se développe sur 560 kilomètres jusqu’à Vien-Tiane, sans obstacles sérieux. Au delà de Vien-Tiane, les difficultés recommencent ; tantôt des roches, tantôt des rapides presque infranchissables, comme celui de Keng-mai, obstruent la navigation. En amont de Luang-Prabang, jusqu’à Xieng-sen, la navigation est plus aisée tout en offrant de sérieuses difficultés. Plus loin, enfin, le Mékong pénètre dans les gorges du Yunnan chinois.

Ainsi, de la mer aux régions du Haut et du Moyen-Mékong, la voie du fleuve n’est ni le chemin le plus court, ni le plus économique ; de Bangkok à Savannakek, le voyage est moins long que de Saigon. Sur la rive droite, les plateaux qui séparent le Mékong du Ménam sont peu élevés, et le cours de la Moun y ouvre un passage naturel, tandis que, sur la rive gauche, l’arête dorsale, qui s’allonge à travers toute la péninsule, interpose une vaste étendue de pays accidenté et très peu peuplé entre la mer de Chine et le bassin du Mékong. Rien d’étonnant dès lors à ce que le Laos, même sur la rive française, soit dans la zone économique de Bangkok ; les articles allemands, anglais, américains, japonais, belges, arrivent, de Bangkok, sur le moyen fleuve, à bien meilleur marché que les nôtres. Plus au Nord, dans la région de Xieng-sen, les produits anglais, venus de Rangoun par Xieng-tong, ne permettent pas la concurrence à ceux qui emprunteraient la voie du Tonkin. Dans tout le Laos français et dans toute la région réservée à l’influence française par le