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majeure partie de l’escadre légère et deux gros cuirassés manquaient également. Ce groupe, que les nécessités de l’exercice avaient conduit dans l’Est, avait été autorisé à mouiller où il voudrait, et il était tout naturel qu’il fût allé se réfugier dans le port près duquel il se trouvait, au Golfe Juan sans doute. Quant aux autres navires, ils formaient un deuxième groupe qui opérait à proximité de Toulon et qui, par suite, afin de ne pas dépenser inutilement du charbon, était entré en rade dès que l’exercice avait été interrompu. Ce groupe, depuis son arrivée, n’avait d’ailleurs pas encore communiqué avec la terre, mais l’absence de l’escadre légère était un fait si naturel que le vice-amiral commandant en chef l’escadre s’était contenté d’envoyer au préfet ce télégramme normal : « Je rentre avec le premier groupe après avoir autorisé le deuxième à mouiller où il voudrait. »

Et l’amiral de Beaumont avait montré le télégramme encore étalé sur sa table.

Rassurée, Madeleine avait regagné la villa des Mimosas. Le vent faisait toujours rage ; le parterre était saccagé ; les allées, effondrées ; des feuilles, — les dernières ! — et de grosses branches jonchaient le sol, brisées ; trois arbres même étaient déracinés : un vieux chêne noueux, massif, séculaire, et deux gros plus parasols ombreux sous lesquels nous avions installé un banc.

Dans le ciel, une éclaircie s’était faite : entre deux nuages le soleil riait ; lentement la tempête s’apaisait.

Le lendemain, 1er novembre, jour de la Toussaint, c’était fini : l’azur du ciel sans tache étincelait lumineux ; l’air était chaud ; la mer, calme, tranquille ; dans le jardin, des oiseaux chantaient comme si ce fût déjà l’avril ; les chrysanthèmes, redressant leurs tiges, sortaient de leur engourdissement. Toute la nature souriait, oublieuse.

Madeleine, tenant Olga par la main, était allée à la messe. Et, tout près de la petite chapelle rustique, elle avait aperçu un matelot qui sur son béret portait le ruban du Saint-Louis.

Elle s’était approchée de lui et poliment lui avait demandé :

— Monsieur, savez-vous ouest allé le Faidherbe ?

— Pour sûr, dit-il, on le sait depuis ce matin. Il est allé en Orient avec les autres. Ils ont de la chance !

— En Orient, en Orient ?... Ah ! oui, en Orient... Mais pourquoi ?