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yacht, qui séjourne habituellement à Constantinople, aux ordres de notre ambassadeur.

Nous nous rappelons qu’il a quitté le Bosphore depuis trois mois pour entreprendre la tournée annuelle des îles grecques et turques, et qu’il était dernièrement au Pirée.

La présence coutumière dans l’Archipel de ce petit navire inoffensif n’a donc pu éveiller aucune inquiétude diplomatique, et nous comprenons tout de suite qu’il devait être blotti depuis plusieurs jours déjà dans le port de Milo pour attendre notre passage et nous servir d’invisible lien avec Paris.

L’île de Milo est, en effet, reliée au continent par un câble télégraphique (anglais, hélas ! comme la plupart des câbles), et notre croisière n’avait pas simplement pour but d’attendre nos contre-torpilleurs attardés, mais de nous permettre de recevoir les dernières instructions de notre gouvernement, par l’intermédiaire de la Mouette, sans que notre présence ici fût révélée.

La Mouette serre ses voiles, stoppe, et met à la mer une petite embarcation dans laquelle se laisse glisser son commandant, le lieutenant de vaisseau G...

En quelques coups de rames, il atteint le Pothuau, se hisse à bords par une échelle en cordes, et, après une courte conversation avec l’amiral, auquel il a dû sans doute remettre des télégrammes, il regagne aussitôt son navire.

Les mâts du Pothuau ne tardent pas à se couvrir de signaux :

« Mettre en marche à 12 nœuds. Ligne de file. Notre objectif est Mytilène. »

Mytilène ! Personne à bord ne doutait de ce but, saut Noguay qui, oublieux déjà de sa petite cousine, ne rêve plus que faits de guerre et craignait toujours que depuis notre départ des événemens se fussent produits qui rendissent inutile notre action militaire. Il n’en est rien. Ce soir, sur la mer apaisée, nous glissons entre les îles Tinos et Mikoni. Demain, dans la matinée, nous serons fatalement à Mytilène.

La Mouette est demeurée en croisière à notre place pour diriger les contre-torpilleurs vers nous, dès qu’ils apparaîtront en vue de Milo.


Jeudi 1 novembre 1901. — Mytilène.

Depuis ce matin, dix heures, nos marins du corps de débarquement sont installés en ville dans les cantonnemens qui avaient