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donnent le mouvement, et par suite la vie, à la puissante artillerie, aux pesans et délicats projectiles, aux machines motrices et auxiliaires, aux torpilles, aux ondes de la télégraphie sans fil...

J’ai aussi lié connaissance avec mes camarades et avec les marins que je dois diriger. Je connais plusieurs matelots par leurs noms. Déjà, bien que nouveau venu, je ne suis plus l’étranger emprunté qui ne sait pas à qui il parle et qui ignore les chemins.

Le commandant, je ne l’ai approché que deux fois. Sa fonction l’oblige, quand le navire n’est pas à la mer, à ne se mêler que rarement aux officiers ; et notre commandant, — cela se voit bien, — regrette cette obligation de son grade. A la mer, il passe presque toutes ses journées et la majeure partie de ses nuits sur la « passerelle » élevée d’où il peut surveiller la marche du navire et faire exécuter promptement les manœuvres qui seront inopinément signalées par le vaisseau amiral. Ses appartemens sont éloignés des nôtres et son seul convive habituel est le commandant en second, officier supérieur comme lui. En dehors des repas et des longues heures de passerelle, il est toujours seul : grandeur et servitude militaires !

Le commandant en second, au contraire, a des contacts incessans avec les officiers et les marins de tous grades. Il parcourt le navire à chaque instant pour s’assurer de l’ordre, de la propreté, de la discipline, pour voir si tous les rouages physiques et moraux de cette grande machine, — le navire de guerre ! — sont prêts à fonctionner quand le commandant l’ordonnera. Il a une chambre et un bureau. Mais il n’ouvre guère la porte de sa chambre que pour aller se coucher, et, dans son bureau, accessible à tous, c’est, depuis l’aurore jusqu’à la fin du jour, un défilé continuel de sous-officiers et d’officiers qui vont prendre ses ordres, lui rendre des comptes, ou le consulter sur l’organisation intérieure. A son tour, au commandant, dont la responsabilité abord s’étend jusqu’aux plus infimes détails administratifs, il rend compte de ce qu’il fait et reçoit de lui les directions générales.

Les noms du commandant et du commandant en second sont d’ordinaire ignorés des simples matelots : le commandant, c’est le commandant ; le commandant en second, le capitaine de frégate. Le premier a le grade de colonel ; le second, de lieutenant-colonel.