Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Toulon, 15 mai 1901. — Dans l’Arsenal.

Je suis enchanté de mon embarquement. Madeleine est également ravie. Elle a rencontré dans le monde les femmes de deux de mes camarades, Fournier et de Lancy, deux jeunes femmes charmantes, paraît-il ; et elle a appris par elles que le commandant est un homme aimable et bon qui s’attache à ses officiers et à son équipage. Avec lui les relations de service seront très agréables.

D’ailleurs, quelle différence entre un embarquement en escadre, sur les côtes de France, et celui qui vous conduit au loin dans des pays barbares et malsains, comme avait fait pour moi la Nièvre, au bout d’un an de mariage à peine ! Avec le Faidherbe, plus d’absence à redouter, cette souffrance morale plus pénible que les passagères souffrances physiques ; plus de longues absences du moins. L’escadre, pour ses exercices de rade, est obligée à d’assez longs séjours à Toulon ou aux îles d’Hyères, à proximité de notre grand arsenal dont les ressources lui sont nécessaires. Ma villa du Cap Brun, la « villa des Mimosas, » n’est pas éloignée de ces deux points et j’ai vite fait d’aller chez moi avec ma bicyclette, quand le service ne me retient pas à bord.

Parfois, pour les exercices de tir à obus, les évolutions, les essais de tactique de jour et de nuit, nous demeurerons quelques jours à la mer ; mais, sitôt notre programme rempli, nous nous réfugierons de nouveau à Toulon ou aux îles d’Hyères ; tout au plus irons-nous jusqu’au Golfe Juan ou à Villefranche, sans jamais quitter notre hospitalière Côte d’Azur.

Au Golfe Juan, quand le séjour devra y être de quelque durée, c’est ma femme qui me rejoindra. Elle s’installera à Cannes ou à Beaulieu, dans ces pays merveilleux où en plein hiver les roses bordent les sentiers ; ou bien au Grand Hôtel du golfe, au milieu des plus balsamiques qui étendent leurs verts parasols au-dessus des petites vagues qui viennent jeter sur le sable la neige des flots bleus de la Méditerranée, — la seule neige de la Provence. — En juillet, il y a bien les grandes manœuvres, qui nous tiendront éloignés des côtes de France. Mais elles ne durent guère plus d’un mois, et combien elles sont instructives ! — Pendant mon absence, ma femme ira voir ses parens en Touraine. Puis, au retour, comme on obtient une permission, je la rejoindrai et la ramènerai ici.