Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autorisées, et d’obliger, parmi les autres, celles qui méritaient quelque bienveillance ou quelque indulgence à solliciter à leur tour une autorisation. On a commencé par la refuser à toutes celles qui l’ont demandée, on se prépare à la retirer à celles qui l’avaient obtenue. Est-ce assez ? M. Combes, en accordant, en livrant tout cela, aura-t-il consolidé sa situation ? Aura-t-il satisfait ses amis ? Non, il faut autre chose encore, et quoi ? La séparation de l’Église et de l’État. On peut dire que M. Combes l’a promise hier d’une manière implicite, mais cependant formelle. Il a effectivement adhéré à la seconde comme à la première des « idées maîtresses » de M. Girard, l’interdiction d’enseigner appliquée aux prêtres séculiers ; mais sans doute il se trouve gêné par le Concordat pour la réaliser. Le Concordat reconnaît comme légitime l’existence du clergé séculier, et ne permet pas de le mettre en dehors du droit commun : qu’à cela ne tienne, on dénoncera le Concordat. Si M. Combes ne l’a pas dit formellement, il l’a fait entendre avec toute la clarté désirable, en disant que de la solution qui sera donnée à la question dépend à ses yeux le sort de l’amendement Girard. Encore une fois M. Combes est favorable à cet amendement ; il cherche un moyen juridique de le réaliser, et, puisqu’il ne le trouve pas dans le maintien du Concordat, il ne peut le trouver que dans sa suppression. Jamais on n’avait traité avec autant de légèreté des problèmes aussi redoutables ; jamais on n’avait apporté une pareille inconscience dans la solution des questions les plus hautes si on songe aux intérêts moraux qu’elles mettent en cause et aux intérêts matériels qui viennent s’y mêler ! C’est donc pour pouvoir empêcher les prêtres d’enseigner que M. Combes séparera l’Église de l’État ! N’ayant plus à les reconnaître, puisqu’il cessera de les nommer, de les payer, enfin d’avoir avec eux des relations officielles, il pourra les mettre au rang des simples congréganistes et les traiter en conséquence ! Nous en sommes là, et on peut prévoir dès maintenant ce que sera la liberté de l’Église lorsqu’on affirmera la lui avoir rendue par la rupture du lien qui la rattache aujourd’hui à l’État.

C’est à peine si M. Combes, lorsqu’il est descendu de la tribune, a recueilli quatre ou cinq applaudissemens. L’extrême gauche était évidemment déconcertée ; elle ne savait pas au juste, n’ayant pas eu le temps d’y regarder de près, ce qu’elle devait penser des projets que le gouvernement avait fait miroiter à ses yeux. Elle voyait le projet Chaumié, dénaturé sur quelques points, mais maintenu dans ses élémens essentiels. Tout le reste n’était que promesses d’avenir, et qui peut se flatter d’être maître de l’avenir ? Quant aux atteintes portées