Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement par les groupes a paru d’abord toute simple. Avons-nous besoin de dire qu’elle est le contre-pied du gouvernement parlementaire, dont les formes mêmes n’y sont plus respectées ? Mais les meneurs de la majorité ministérielle ne s’arrêtaient pas à ces scrupules. Sûrs, — ils le croyaient du moins, — d’avoir la haute main sur la réunion des groupes, ils espéraient, soit par l’audace, soit par l’intimidation, y faire prévaloir leurs volontés. Alors tout le monde dans le « bloc » aurait dû obéir, sous peine, si on résistait, d’être accusé de trahison, ou pour le moins de modérantisme, ce qui est à peu près la même chose. On a pu croire, pendant quelques jours, que tout se passerait conformément à ce programme, lorsque le bruit a couru que l’Union républicaine du Sénat venait de se réunir et de prendre une résolution inopinée : se déclarant décidée à voter le projet Chaumié, elle en concluait qu’il n’y avait pas lieu pour elle de prendre part à une réunion plénière où les groupes de la majorité chercheraient leur voie, alors qu’elle avait elle-même trouvé la sienne. C’est M. Waldeck-Rousseau qui lui avait conseillé de prendre cette attitude, dans un discours qui, aussi bien par les idées que par la forme précise qu’il leur a donnée, rappelait heureusement sa manière d’autrefois. Le discours qu’il a prononcé au Sénat, quelques jours avant les vacances, n’avait pas, on s’en souvient, changé grand’chose à la situation, parce qu’il manquait de sanction parlementaire : il n’en a pas été de même de celui qu’il a prononcé devant l’Union républicaine. Cette fois, c’était bien un acte qu’accomplissait M. Waldeck-Rousseau, et que le groupe a accompli avec lui. Une fraction de la majorité, en se fixant à elle-même un point d’arrêt, désorganisait le plan radical-socialiste et rendait confiance aux élémens modérés. Il y a eu là comme un coup de théâtre, et la situation a paru retournée ; ce n’étaient plus les radicaux extrêmes et les socialistes qui pesaient sur la majorité ministérielle. Reste à savoir si cela durera longtemps. Sur le premier moment, les radicaux ont été déconcertés. Leurs représentans attitrés se sont transportés chez M. Combes, et il semble qu’on ait beaucoup gémi dans l’entretien qui a eu lieu entre M. le président du Conseil et ses amis. Peut-être aussi y a-t-on préparé et combiné quelque chose, soit pour arrêter la discussion dès qu’on arriverait aux articles essentiels de la loi, soit pour y introduire quelque disposition nouvelle qui en modifierait, ou plutôt en fausserait le caractère, et permettrait dès lors aux plus exigeans de la voter.

La discussion générale s’est ouverte et n’a pas manqué d’intérêt. Il était difficile d’y dire des choses nouvelles, et nous étonnerions nos