eussent pris plaisir à regarder passer et repasser, avec des mines plus sévères, avec des paupières closes, avec des « bouches d’ombre, » les fortes têtes de la majorité. De tous ceux-là, des membres de la Commission, de la Délégation des gauches, ou des bonzes vénérables, lesquels avaient eu assez de force pour fléchir l’inflexible M. Combes ; lesquels, s’imposant au gouvernement, et le retournant à leur guise, et le faisant aller et venir à leur gré, étaient, dans toute l’étendue et toute la rigueur des termes, le gouvernement du gouvernement ?
Mais la mystérieuse influence était beaucoup plus forte encore, puisqu’elle allait jusqu’à changer non seulement les résolutions publiques, mais les sentimens intimes, ou du moins l’expression publique des sentimens intimes de M. Combes. Aux approches de la discussion des demandes en autorisation déposées par la plupart des congrégations, et à mesure qu’il s’affermissait dans la consommation de leur sacrifice, on eût dit que d’anciens souvenirs, pourtant, se réveillaient en lui, que les cloches d’Ys tintaient, que la colombe blanche volait vers l’autel, que l’écho d’une voix lointaine répétait : Introïbo, et que, dans sa « marche en avant, » il se sentait comme talonné par le fantôme d’ « un orphelin vêtu de noir, qui lui ressemblait comme un frère. » Les mots d’autrefois lui remontaient invinciblement, irrésistiblement aux lèvres : « Je suis un vieux philosophe spiritualiste, confessait-il, et je me demande ce qu’il pourrait advenir d’une société d’où tout principe religieux serait banni. » Ou bien : « Croyez-moi : ce que je fais contre les congrégations, c’est pour sauver le clergé séculier, pour empêcher la séparation de l’Eglise et de l’Etat. » Et, comme le confident occasionnel affectait de n’avoir point trop de répugnance pour cette solution : « Ne la désirez pas, reprenait vivement le ministre : ce serait la moitié de la France sans culte ! »
A la vérité, M. Combes n’ajoutait aucun regret, mais n’est-ce pas un peu regretter que d’inviter à craindre ? Sur ce point, en tout cas, il était précis : il voulait éviter la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Sa « vieille philosophie spiritualiste, » il l’avait d’ailleurs affirmée à la tribune du Sénat, et il allait l’affirmer de nouveau à la tribune de la Chambre. Mais le Sénat, quoique étonné peut-être, et peut-être scandalisé, s’était contenu, figé dans une désapprobation froide : la Chambre, au contraire, fit gronder son indignation en rumeur, avec des : oh ! et des : ah !