Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune femme révéler qu’avant de mourir, son mari lui avait envoyé de ses cheveux enveloppés dans cette liste.

La commune de Livry, que la protection de Hérault de Séchelles semble, durant de longs mois, avoir mise à l’abri des mesures arbitraires en usage en ce temps-là, devint subitement l’objet des suspicions du Comité. On y vit arriver un jour une expédition militaire, appuyée de canons, sous la conduite de délégués des sections de Paris. Trente personnes environ furent arrêtées et expédiées dans les prisons de la capitale, où elles restèrent détenues jusqu’après la chute de Robespierre.

On est surpris de n’avoir pas à constater la présence, au milieu de ces prévenus, de la mère et de la grand’mère d’Hérault. Est-ce que leur malheur en imposa et qu’on n’osa les frapper alors qu’elles venaient de voir périr leur fils et petit-fils et emprisonner leurs parens les plus chers ? On ne trouve pas d’autre cause à la décision qui respecta leur retraite à jamais en deuil. Elles y demeurèrent sans être inquiétées. Le maréchal de Contades les y rejoignit bientôt après. Elles attendirent avec lui que la mort vint mettre un terme à leurs tourmens et à leurs regrets. Le maréchal mourut le premier, le 27 janvier 1795. Mme Hérault de Séchelles le suivit dans la tombe quatre mois plus tard, le s’juin. La veuve de René Hérault leur survécut durant près de trois années. Quand elle rendit l’âme, le 1er septembre 1798, il y avait longtemps que le vide s’était fait autour d’elle comme si elle eût encouru l’horreur qu’inspirait le nom de son petit-fils.

Les dames de Bellegarde avaient trop vécu dans l’intimité de Hérault pour n’être pas atteintes par sa condamnation. Elles n’en étaient pas encore consolées, lorsque, le 23 avril, dix-neuf jours après son supplice, sur des dénonciations qui les signalaient comme ayant participé aux crimes qu’on lui avait imputés, le Comité de Sûreté générale les décréta d’arrestation[1]. « Le

  1. Lorsqu’en 1805 intervinrent entre la comtesse de Bellegarde et son mari les arrangemens que nécessitaient l’étrangeté de leur situation vis-à-vis l’un de l’autre et les intérêts de leurs enfans restés à la garde du père, elle déclara qu’elle avait été arrêtée au mois de janvier. Mais elle fut trompée par sa mémoire, ou elle voulait établir, pour dissimuler devant son mari le caractère de ses relations avec Hérault de Séchelles, que son arrestation avait eu lieu quand le conventionnel était encore en possession d’assez d’influence pour la faire mettre en liberté, ce pourquoi il se fût entremis si elle avait été sa maîtresse. La date inscrite en tête du mandat d’arrêt conservé aux Archives nationales infirme sa déclaration et ne laisse aucune place au doute.