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charrette le premier. « Il regardait du côté du Garde-Meuble une main de femme qui, à travers les volets entr’ouverts, lui envoyait un dernier adieu. » Cet adieu, est-ce Adèle de Bellegarde qui le lui adressait ?

Le même soir, on donnait à l’Opéra une sans-culottide en cinq actes : La Réunion du 10 août ou l’Inauguration de la République française. On y voyait Hérault de Séchelles livrant aux flammes les emblèmes de la royauté[1].

Philibert Simond n’avait pas figuré dans le procès des Dantonistes. On le réservait pour une des fournées suivantes. Son tour vint, six jours plus tard, le 10 avril. Nous avons dit qu’il avait tenté de s’évader. Le 7 avril, la Convention était en séance quand le président reçut de l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire, Fouquier-Tinville, la lettre suivante, dont il donna sur-le-champ lecture à l’assemblée :

« J’ai l’honneur d’informer la Convention qu’il résulte des dépositions faites par plusieurs détenus qu’Arthur Dillon et Simond avaient formé le projet de s’emparer des clefs du Luxembourg, de se porter au Comité de Salut public, et d’en égorger les membres. Dillon devait commander la force armée, et Simond indiquer les avenues du Comité. Le premier va être mis en jugement ; quant à Simond, mon respect pour la représentation nationale m’ordonne d’attendre la décision de la Convention. »

Plusieurs voix s’élevèrent pour demander le renvoi de cette affaire au Comité de Salut public. Mais l’un des membres de ce Comité s’écria que ce renvoi était inutile, les faits étant déjà connus. Un autre député, Legendre, demanda que le décret d’accusation fût rendu sans retard. « Une lettre anonyme qui m’a été envoyée ne me laisse point de doute que les coupables qui ont péri sur l’échafaud n’eussent des complices dans la prison du Luxembourg pour exciter un mouvement. J’ai remis au Comité de Salut public cette lettre, dans laquelle des hommes qui se disaient patriotes, en flattant mon amour-propre et mon ambition, m’invitaient à porter le premier coup à la Convention, à m’armer de deux pistolets et à assassiner dans le sein de la Convention Robespierre et Saint-Just. Je demande le décret d’accusation contre Simond. » La proposition fut votée séance tenante.

Le procès s’ouvrit et se termina le 10 avril. Il y avait

  1. Jules Claretie, Camille Desmoulins et les Dantonistes, p. 361.