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des gages de dévouement à la République et mérité qu’on lui confiât des missions importantes. On dut renoncer à le traduire devant le tribunal révolutionnaire. Le 22 août 1794, six mois après l’exécution de Hérault de Séchelles, trois semaines après la chute de Robespierre, le nouveau Comité de Sûreté générale ordonna sa mise en liberté.

Innocent, quant au fait d’avoir donné asile à un suspect, Hérault de Séchelles ne l’était pas moins quant à cet autre, qu’on lui imputait, d’avoir intrigué en vue du rétablissement de la royauté. On n’apporta de ce chef aucune preuve et il n’en existe aucune. Il est vrai qu’un des historiens de la Révolution, Louis Blanc, qui ne recule pas devant les insinuations les plus hasardées quand il s’agit de prendre la défense de Robespierre et de justifier ses forfaits, s’attache à démontrer que les soupçons qui entraînèrent la perte de Hérault de Séchelles avaient quelque raison d’être et cite à l’appui de ses dires ceux de Hardenberg[1] d’après lesquels Hérault de Séchelles se serait entremis pour arracher à la mort la reine Marie-Antoinette.

« A la nouvelle de la translation de Marie-Antoinette à la Conciergerie, raconte l’homme d’État prussien, le comte de Mercy, alors à Bruxelles, dépêcha un émissaire à Danton pour l’engager à épargner la Reine[2]. On lui offrit pour ce service une somme d’argent considérable ; il la rejeta, disant qu’il consentait à protéger la Reine sans aucune vue d’intérêt personnel. Plein de confiance dans la protection de Danton, le comte de Mercy crut d’autant mieux qu’elle suffirait à la sûreté de la Reine que, pendant plus d’un mois, l’illustre captive parut oubliée à la Conciergerie. Mais on vit bientôt tout le vide et l’inefficacité de cette négociation clandestine. Il paraît certain que Danton et ses amis cherchèrent à en tirer parti dans des vues de domination particulière. Danton s’étant concerté avec Hérault de

  1. Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État.
  2. On retrouve un écho de ces dires, qui tiennent moins de la vérité que de la légende, dans ce passage d’une notice où il est longuement question du comte de Mercy, publiée en 1851, à Liège, par son petit-fils, sous ce titre : La Chapelle de Notre-Dame au bois d’Argenteau. « Pendant les derniers temps de son séjour à Bruxelles, en 1792 et 1793, le comte de Mercy avait reçu des instructions relatives au sort de l’infortunée famille royale de France, que l’on voulait tenter d’arracher aux fureurs révolutionnaires. Des négociations secrètes dont le comte était l’âme furent établies avec des hommes influens de Paris, que l’on espérait rattacher à la cause de la Cour. » La révélation s’arrête là, et il reste bien évident qu’elle a la même origine que celle de Hardenberg.