Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car son ministérialisme l’a rendu tout à fait bon garçon, et il vaut mieux que les trois quarts de ceux qui crient contre lui. Ampère, fatigué de la poitrine, passe l’hiver en Italie.

« Port-Royal est un peu désert à travers tout ce profane : les solitaires sont encore une fois dispersés ; mais vous les savez opiniâtres, ils reviendront. En attendant je réimprime deux nouveaux volumes de portraits ; M. Vinet y entre. Je désirerais bien que vous puissiez ou m’envoyer ou m’indiquer (si Risler l’a) cette belle brochure dont l’un des Secretan nous parlait un soir, intitulée, je crois : De la Conscience, et qui était une réponse dans son procès ; il paraît que c’est d’une éloquence plus libre que le reste de ses écrits. Soyez assez bonne pour m’éclairer sur ce point, et, si vous l’aviez par lui, cette brochure, vous me l’adresseriez sans trop tarder. Et puis ne publie-t-on pas Monneron[1], et ne pourrais-je pas citer, en son lieu, quelque chose de plus que j’ai et qui serait dans le volume projeté par Olivier : vous voyez que j’entends ces vers à Marie.

« Mme de Castries vient de perdre son oncle, M. De Fitz-James, ce qui est un isolement de plus. Son dernier chêne protecteur est tombé : elle est pleine de courage.

« Comprenez-vous Spiridion ? on dit que le P. Alexis est M. de Lamennais et que le fameux livre de l’Esprit est l’Encyclopédie de Leroux. Je parle au hasard sans avoir lu ni en avoir envie.

« Mille souvenirs autour de vous aux Monnard, à Mme Régnier, à Mme Hare, à M. Scholl, Vinet, à MM. Espérandieu, Vulliemin, Durand, Ducloux : à la famille d’Aigle, s’il vous plaît, et à ceux d’Eysins qui me connaissent.

« Baisers aux enfans et réponse toute singulière à Aloys. J’embrasse Olivier et vous serre les mains, Madame, avec une respectueuse tendresse,

« SAINTE-BEUVE.


« Je ne vous dis jamais rien de ma mère, qui est pourtant bien sensible à vos souvenirs et qui vous envoie les siens plus exactement que je ne fais ; elle va à merveille et devient de plus en plus spirituelle et maligne en vieillissant. »

  1. Frédéric Monneron, jeune poète vaudois qui promettait de prendre un essor élevé, mort à la fleur de l’âge, dans l’égarement de l’esprit, en 1837. (Note de Sainte-Beuve au bas d’une pièce de vers du t. II, p. 290 de ses Poésies complètes, édition Calmann-Lévy.)