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surtout dans sa ferme volonté de garder cette situation coûte que coûte.

En appliquant ces considérations au Danemark, nous dirions qu’il a le droit incontestable de proclamer sa neutralité perpétuelle par une déclaration adressée à toutes les nations du monde civilisé. Il est plus que probable que plusieurs puissances se hâteraient de prendre acte de cette déclaration, émanée de la souveraineté de l’Etat danois. En cas de guerre, les puissances qui ont les plus grands intérêts dans la mer Baltique et qui ne pourront jamais permettre ni que le Danemark soit conquis ni qu’on lui arrache violemment les clefs de cette mer, se hâteraient certainement de prêter au Danemark neutre leur généreuse et efficace protection.

Il est probable enfin qu’il se trouverait sur les bords de la mer Baltique quelque puissance pour suivre l’exemple donné en 1870 par la Grande-Bretagne sur les bords de la mer du Nord. Si la neutralisation danoise était alors un fait accompli, un tel secours serait l’accomplissement d’un devoir et l’affirmation effective d’un droit. Si la neutralité du Danemark était proclamée seulement ad hoc, pour une guerre déjà déclarée, l’assistance d’une puissance protectrice deviendrait un acte politique et une combinaison d’alliance contre l’ennemi commun.

Un petit État qui ne désire que vivre tranquillement et pacifiquement devrait faire tout au monde pour ne pas devenir un jouet de la grande politique internationale, qui écrase plus souvent qu’elle ne fonde.

Telles sont les conclusions qui nous paraissent dictées par le bon sens même. « Le bon sens, » a dit Guizot, « est le génie de l’humanité. » Malheureusement la triste expérience de la vie nous enseigne que ce bon génie de l’humanité, même s’il règne, ne gouverne pas toujours les idées et les actions humaines…


IV

Avant de clore cette étude, qu’il nous soit permis d’ajouter encore quelques mots pour bien marquer la portée civilisatrice de la neutralisation des petits États européens en général, et du Danemark en particulier.

C’est un usage constant de distinguer les grandes puissances des petites nations, malgré l’absence totale d’une base juridique