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toute agression de la part de l’une ou de l’autre des puissances belligérantes ?

Évidemment la Grande-Bretagne ou toute autre nation neutre eût pu prendre la neutralité belge sous sa généreuse protection. Le traité de Londres de 1831 fournissait seulement la base conventionnelle ou juridique qui devait faire accepter la proposition anglaise, immédiatement, et à Paris comme à Berlin. Mais le droit de la Grande-Bretagne d’intervenir même sans traité aurait été incontestable. Mais supposons encore le cas où la Belgique eût volontairement proclamé sa neutralisation, en 1831, sans aucune garantie internationale de la part des grandes puissances. Il est non moins évident que, dans ce cas aussi, la Grande-Bretagne ou toute autre nation intéressée eût pu, en 1870, poser aux deux belligérans la question de savoir s’ils étaient décidés à respecter cette neutralité et, en eus de réponse affirmative, leur proposer la conclusion d’une convention pareille à celles de 1870.

Dans tous les cas imaginés, le fait essentiel consiste dans l’existence généralement reconnue de la neutralisation de la Belgique. C’est là le fait positif qui enleva tout caractère offensif à la résolution affirmée par l’Angleterre de vouloir protéger pour son compte la neutralité de la Belgique. Si ce fait n’eût pas existé, si le gouvernement belge s’était borné, au commencement de la guerre de 1870, à proclamer sa neutralité ad hoc, des doutes sur le véritable caractère de cette neutralité eussent été possibles et peut-être légitimes. Une puissance qui proclame sa neutralité seulement quand une guerre éclate a pu poursuivre jusqu’à ce moment une politique hostile à l’un ou à l’autre des belligérans. En pareil cas, le gouvernement belligérant dont les intérêts ont été lésés admettrait difficilement que, par une simple proclamation de neutralité, toute responsabilité pour des actes antérieurs puisse être déclinée.

Ainsi, la conduite de l’Angleterre dans la guerre de 1870 prouve d’une manière péremptoire l’absolue nécessité et le grand avantage de la neutralisation des petits États. Mais il est impossible de tirer de ce fait la conclusion que la volonté des grandes puissances de déclarer an profit d’un petit État sa neutralisation puisse être pour lui la seule origine de cette position pacifique et privilégiée. La vraie source de la neutralisation d’un État est dan9 sa position géographique, son histoire, ses intérêts, et