Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à la moindre cause d’une attaque justifiée. Quand, en 1870, sa neutralité courut quelque danger, la Grande-Bretagne, en qualité de puissance garante, donna à la Belgique une sécurité absolue contre des violations possibles de sa neutralité de la part des deux puissances belligérantes.

Ainsi la neutralité permanente de la Belgique s’est maintenue intacte jusqu’à présent, malgré tous les dangers qu’elle a courus pendant sa vie si courte encore et si accidentée. Si les grandes puissances garantes qui ont signé le traité de Londres de 1831 refusaient de garantir à l’avenir cette neutralité, on peut être sûr que la Belgique continuerait de se proclamer perpétuellement neutre, avec l’intention bien arrêtée de ne pas se mêler des conflits sanglans entre grandes ou petites puissances. La neutralité permanente est entrée dans la conscience du peuple belge, qui est profondément pénétré de la grande utilité de sa situation privilégiée dans le domaine des relations internationales. Il est impossible de supposer que la Belgique veuille abandonner cette position et sacrifier tous les bienfaits qui en découlent, même dans le cas où les puissances signataires du traité de Londres de 1831 retireraient leur promesse de garantir cette neutralité. La Belgique agirait alors probablement comme la Suisse, c’est-à-dire qu’elle déclarerait à toute l’Europe que, quoi qu’il advienne, elle est résolue à rester neutre pour toujours et décidée à faire respecter de toutes ses forces sa neutralité permanente.

Les bienfaits de la neutralité permanente sont si grands que jamais un État neutralisé n’y renoncera volontairement. La Belgique la première ne le fera point, quoique sa neutralisation ait été bien plutôt le résultat des combinaisons politiques et stratégiques des grandes puissances qu’une conséquence de sa situation géographique et de sa mission historique. Sous ce rapport, il y a une grande différence entre la Suisse et la Belgique. Toutefois, pour l’un et l’autre de ces deux pays, la neutralisation a été la consécration de leurs aspirations pacifiques et la condition essentielle de leur développement économique et social.

Ce serait abuser de la patience du lecteur que de lui rappeler qu’outre la Suisse et la Belgique, il y a encore d’autres États neutralisés, comme le grand-duché de Luxembourg et l’État indépendant du Congo. Il suffit de constater cette vérité irréfutable, que la neutralisation a été, pour tous ces États sans