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amie et dans toutes les émotions d’un printemps de cœur : j’espère qu’aucune bise ne viendra à la traverse. Pourquoi Mme Hare n’est-elle plus à Vevey ? Je l’aimerais mieux encore là ; c’est un cadre plus à part ; je suis du bout du lac décidément ; c’est vous qui m’en avez fait, et j’aurais peine à me réaccoutumer à Genève, à moins que Mme Hare n’y reste : ce qui sera fait aussi aisément dans ce cas-là que toutes les choses impossibles qui se retournent en un clin d’œil au gré du cœur. — Je voudrais bien, quand je serai là-bas, rester le moins possible à Lausanne même ; je ne voudrais pas plus dîner en ville que la première fois, ne pas voir plus de monde, que quelques visites d’amis, le matin et le soir chez vous. Enfin je suis décidé à esquiver encore une fois les invitations. Aussi je vous réitère ceci : quand Olivier sera-t-il nommé ? Quand sera-t-il un peu libre de ses cours ? Mes gros volumes de portraits s’achèvent dans une dizaine de jours : mais Buloz devient insatiable d’articles, et m’en demande presque pour chaque numéro. Ce qui accommoderait bien mes finances, si je ne les perdais tout aussitôt par des achats de livres et par un tas de sottes complaisances (souscriptions, etc.) avec lesquelles on vous arrache ici vos écus. Aussi je partirais bien volontiers (pour les mille raisons, sans parler de l’unique) dès que je saurais Olivier près d’être installé : car je ne puis douter qu’il le soit.

« Mme de Tascher, que j’ai vue hier, vous dit mille choses : elle ne va pas plus mal et sa gaîté est toujours charmante ; ce sont des quarts d’heure de bonheur que ceux où je la vois : n’en soyez pas jalouse, car vous y êtes souvent, et elle désire pour moi les mêmes choses sérieuses que vous.

« Adieu, chère Madame et amie, j’embrasse Olivier sans savoir si vous êtes à portée, je baise plus certainement la main à Mme Hare, et offre mes complimens à son mari, et, là-bas, à Lèbre. J’embrasse le lac en un mot. »


Ce vendredi.

« Avez-vous le printemps là-bas, chère Madame et amie, ou n’est-ce qu’un leurre pour rendre plus piquante la bise ? Ici nous liions un assez doux mois ; je m’inquiète un peu de ces variations d’air pour ma poitrine, qui n’est pas devenue des plus vaillantes et il me faut là-bas un vrai printemps. Tous les détails que vous me donnez sont bien excellens ; je ne suis pas si effrayé