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« impôts légitimes étant d’écouter la nation, » — et la nation n’ayant jamais été même entendue, pour consentir ces impôts. Elles terminent en conjurant le roi de ramener son « empire aux vrais principes. »


Il est aisé d’imaginer les conséquences financières et économiques de la taille, des vingtièmes, des cinquantièmes, de toutes les formes de l’impôt sur le revenu essayées par l’Ancien Régime, quelles que fussent les améliorations que certains ministres voulussent y apporter. Vainement, par exemple, rendit-on les rôles fixes, pour atténuer l’arbitraire ; l’invincible répugnance des contribuables ne faiblit pas. Ainsi, en novembre 1771, Terray avait ordonné une nouvelle évaluation des revenus d’après les mesures les plus soigneusement, les plus équitablement calculées ; on y trouve, avant la lettre, tous les soucis, toutes les sollicitudes de M. Rouvier. L’échec ne fut pas moins complet que celui des précédentes entreprises. Nous voyons, par le rapport de Calonne aux Notables, du 23 février 1787, que dix ans après, sur 22 508 paroisses, 4 902 seulement avaient opéré la révision ordonnée, tant les résistances locales avaient été générales et vigoureuses, tant le mécontentement avait été universel à cause « des investigations gênantes de la part du fisc, et chaque particulier se sentant menacé. »

Au point de vue économique, on sait quels obstacles aux progrès de l’agriculture, de toute industrie, apporta si longtemps un tel régime, qui faisait considérer par chaque contribuable toute amélioration de son sort comme une nouvelle cause de tracasseries et de charges fiscales.

« M. De Choiseul-Gouffier voulant faire à ses frais couvrir de tuiles les maisons de ses paysans exposées à des incendies, ils le remercièrent de sa bonté et le prièrent de laisser leurs maisons comme elles étaient, disant que, si elles étaient couvertes de tuiles au lieu de chaume, les subdélégués augmenteraient leurs tailles, » — raconte Chamfort dans ses Caractères et Anecdotes.

Arthur Young, qui vit si clairement chez nous des choses que personne ne voyait, dans son Voyage en France de 1787, 1788, 1789, signalait avec une admirable clairvoyance les résultats de la taille au point de vue de notre agriculture : « De là, de pauvres bestiaux, des misérables outils et des fumiers mal tenus, même chez ceux qui pourraient en avoir d’autres (t. II, p. 207). »