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de l’Etat, et il est annoncé chaque année par les chefs des administrations du pays. A la vue de leur ordonnance, le païsan connoît d’un coup d’œil sa redevance, et il la paie promptement et presque sans regret, parce qu’il la paie par habitude, parce qu’on la lui demande avec douceur, sans menace et sans formalité, parce qu’il sçait qu’elle est réglée et revue par de sages concitoyens qui partagent le fardeau qu’ils imposent et le remettent sans déchet entre les mains de Votre Majesté.

« Ce sistème heureux, et par conséquent nécessaire, dont la constance et la tranquillité des opérations sont la base et le fondement, ne sçauroit subsister avec les nouveautés, les recherches et les menaces.

« Les ministres de nos Rois ont tenté plus d’une fois d’introduire dans nos Provinces les traités et les régies pour les affaires extraordinaires ; mais ces épreuves, courtes et infructueuses, n’ont servi qu’à les convaincre que la voie d’abonnement y étoit la seule compatible avec l’intérêt de Votre Majesté et la constitution du pays, parce qu’elle est la seule qui, ne changeant rien à la forme de son administration, ne trouble ni la perception de vos deniers, ni les esprits des habitans. Or, quel étrange bouleversement ne causeroit pas dans l’un et dans l’autre la levée du 20e, par déclaration ! La lecture seule de l’édit du mois de may a répandu la consternation dans la province : que doit-on attendre de son exécution ? Les noms de directeurs, de contrôleurs, de commis ont frappé en même temps les oreilles et les cœurs : que ne feront point leur établissement et leurs fonctions ! Le contraste continuel qu’il y aura entre la répartition des impositions anciennes et celles du 20e, les mouvemens, les variations, la gêne qu’entraîneront les déclarations des biens, les chicanes, les amendes, les contraintes, et en un mot les vexations de tout genre que produira la vérification de ces déclarations, toutes ces tracasseries également inouïes, inutiles et ruineuses, dégoûteront, décourageront un peuple qui ne connoît après Dieu et son Roy quelles usages et son repos. »


La Cour des aides elle-même, dans ses remontrances du 14 septembre 1756, n’est pas moins énergique. Après avoir exposé les dangers et les funestes conséquences des vingtièmes, qui ruinent le commerce, ralentissent, suspendent toutes les affaires : « Il a fallu, — dit-elle, — recourir à des évaluations arbitraires,