Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’iceulx qui vouloient eulx enrichir de la substance du peuple, et sans le consentement et délibération des trois estatz.

«… Ces choses présuposeez, remonstrent les ditz trois estatz.. que toutes les tailles et autres équipollenz aux tailles extraordinaires qui par cy-devant ont eu cours soient du tout tollues et abollies ; et que désormais, en ensuivant la naturelle franchise de France, et la doctrine du roi Saint Loys, qui commanda et bailla par doctrine à son fils de ne prendre ne lever tailles sur son peuple sans grant besoing et nécessité, ne soient imposeez ne exigeez les dictes tailles, et aides équipollens à tailles, sans premièrement assembler les diz troys estatz, et que les gens des diz estatz le consentent… »


Sans doute les procédés de perception de la taille révoltaient non seulement les victimes, mais même les témoins ; c’est ainsi que le lieutenant criminel d’Orléans écrivait à Colbert, en 1664 : « Les sergens en général et particulièrement ceux qui sont préposés au recouvrement des tailles sont des animaux terribles. » Mais compulsez le recueil des ordonnances ; fouillez les archives, les mémoires, les correspondances administratives, — celle de Colbert avec les gouverneurs de provinces ou avec les intendans, celle des contrôleurs généraux des finances, de Claude Le Peletier, de Louis Phélypeaux de Pontchartrain, de Nicolas Desmaretz ; interrogez les remontrances des parlemens au sujet des édits de 1710, de 1725, de 1771, de 1778 relatifs à diverses formes de l’impôt sur le revenu, dixièmes, cinquantièmes, vingtièmes, tous les documens enfin où se retrouve l’histoire de l’impôt sur le revenu sous l’ancien régime : — vous verrez se dégager spontanément, comme une loi, ce fait que le grief essentiel des populations, plus encore que le fardeau même de l’impôt, était son caractère arbitraire, par suite du non-consentement des « taillables à merci, » et son caractère inquisitorial, permettant au fisc de pénétrer au plus profond des affaires privées de chaque famille et de chaque contribuable. Dans ces pages jaunies par les siècles, dans ces archives poudreuses, vous retrouverez toutes vivantes, toutes frémissantes encore de colère, d’indignation, de douleur, les plaintes, les réclamations, les résistances, les révoltes de la nation française, bourgeois, marchands, artisans, cultivateurs, de toutes conditions, de toutes provinces.