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de l’édit de 1439, rendu à Orléans à la suite de la session des États tenue la même année dans cette ville, Charles VII supprime définitivement la taille féodale ; il interdit à « tous seigneurs, barons et autres, » de lever dorénavant aucune taille à leur profit, ni d’ajouter aucune « crue » à la taille du roi pour leurs besoins personnels : il proclame enfin, dans l’article 44, que la taille sera désormais exclusivement un impôt royal, au seul profit du roi, établi uniquement de l’autorité et congé du roi sans avoir besoin du consentement des Etats. Précieuse conquête, qui inspira à Commines un éloge mérité à l’adresse de l’heureux monarque, « lequel gaigna et commença ce point qui est d’imposer tailles en son païs à son plaisir, sans le consentement des estats de son royaume, et pour lors y avait grandes matières… »

C’en fut fait. À dater de ce jour, « l’Impôt sur le revenu » pesa sur la France, qui lutta contre lui sans relâche, furieusement, désespérément, jusqu’à la Révolution de 1789, dont le premier soin fut de briser le détestable système qu’on prétend rétablir aujourd’hui. La taille n’était pas autre chose, en effet, que « l’Impôt sur le revenu général. » Même but, même méthode, même mécanisme, mêmes procédés, mêmes résultats, mêmes dangers, mêmes vexations, mêmes inconvéniens, mêmes abus inévitables et intolérables. On pourrait presque dire que toute l’histoire économique de la France, depuis 1060 et depuis 1439 jusqu’en 1790, se résume dans sa lutte, dans sa révolte contre la taille seigneuriale et royale.

Ce n’est pas qu’elle fût le seul impôt personnel sur le revenu ; d’autres impôts, aides, vingtièmes, dîmes, etc., présentaient à peu près les mêmes caractères essentiels ; mais elle fut le type le plus complet et le seul permanent du système.

L’organisation de la taille personnelle était des plus simples. Tout « taillable » devait payer une portion de l’ensemble de ses revenus de toutes natures (c’est l’article premier du projet Combes-Rouvier) afin de fournir au roi un produit total déterminé. Les rois fixaient à leur gré ce produit total à obtenir ; si bien que la portion du revenu à payer s’élevait, s’abaissait, suivant leurs besoins, sans autre limite que leur volonté. On ne pourrait dénombrer les ordonnances, arrêts, règlemens qui se succédèrent, durant trois siècles et demi, sur les tailles.

Les efforts des ministres les plus éminens et les mieux intentionnés, de Richelieu, de Colbert, ne purent remédier au vice