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Comment résoudre un tel problème ?

Pour imposer le revenu, il faut d’abord le connaître : comment le connaître, le connaître exactement, pour chaque citoyen ?

Deux solutions seulement se présentent : la taxation ou la déclaration. Depuis l’origine des impôts, on n’en a pu inventer d’autres. Il n’en est, il n’en sera jamais d’autres.

La taxation, c’est l’arbitraire ; plus ou moins déguisé, plus ou moins hypocrite, plus ou moins brutal, mais toujours l’arbitraire. Le fisc proclame que tel contribuable a 2 000 francs de revenu ; tel autre 3 000 francs ; tel autre 50 000 francs. Comment le fisc le saurait-il ?

La déclaration par le contribuable, c’est l’inquisition, car il faut pouvoir en contrôler la sincérité, et ce contrôle exige le droit pour l’Etat de pénétrer dans tous les détails des affaires de chaque négociant, de chaque industriel, de chaque propriétaire, de chaque cultivateur, de chaque citoyen.

Tout projet d’impôt sur le revenu implique donc nécessairement l’un ou l’autre mal, sinon les deux à la fois. En vain prétendrait-on remplacer la taxation arbitraire par une évaluation calculée d’après des signes extérieurs : il n’en est aucun permettant de déterminer sûrement le total des revenus d’un citoyen. Il faut toujours en revenir à ces deux termes : taxation ou déclaration ; arbitraire ou inquisition. On peut même remplacer ou par et, car tous les systèmes de taxation autorisent les contribuables à discuter et à prouver au fisc qu’il a mal taxé ; mais, pour cette preuve, ils doivent lui livrer tous les détails du commerce, de l’industrie, de la profession qu’ils exercent, de leur vie privée, de leur foyer domestique, afin qu’il établisse leur compte par sous et deniers. Les contribuables qui veulent échapper à l’arbitraire sont ainsi condamnés à s’offrir eux-mêmes à l’inquisition.

Telle est l’essence de la grande réforme célébrée comme la plus heureuse et la plus brillante de la République.

Pénétrons maintenant dans quelques principaux détails.


II

On a compris, par les observations précédentes, que le vice profond de l’impôt sur le revenu réside essentiellement dans son