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L’impôt sur les revenus est autre chose. Il exclut l’inventaire individuel du contribuable. Il peut viser les choses et non les personnes. Notre impôt de 4 pour 100 sur le revenu des valeurs mobilières est un modèle de cet impôt réel, et non personnel, que tout le monde approuve. Les coupons sont frappés directement, sans que le fisc recherche à qui ils appartiennent, sans que nul percepteur ait à dresser les comptes privés d’aucun contribuable. Plus on possède de coupons, plus on supporte d’impôts ; moins on en possède, moins on paye. Rien de plus équitable, de plus simple, de moins arbitraire, de moins vexatoire. L’impôt suit la chose ; il s’élève, s’abaisse, augmente, diminue avec elle et comme elle ; et le possesseur de la chose subit le contre-coup de ces fluctuations. C’est justice.

Ce n’est même pas le contribuable qui paye : c’est le coupon. Le contribuable supporte le résultat, puisqu’il reçoit moins d’argent quand il touche son coupon, ou ses coupons ; mais le percepteur d’impôt n’a vu, ni connu personne, nul contribuable en chair et en os ; il n’a vu que des coupons sans savoir, sans pouvoir savoir à qui ils appartiennent, et c’est sur ces « choses » qu’il a prélevé l’impôt.

Il en est encore ainsi de notre impôt de 3,20 pour 100 sur le revenu ou sur la valeur locative des propriétés bâties ; plus les maisons sont importantes, plus elles payent ; par-là même, plus un citoyen possède de maisons, plus il contribue, dans une proportion rigoureusement conforme à leurs produits ou à leurs valeurs, aux charges de l’État, sans que nul inquisiteur recherche le nombre et la situation de ses maisons. Telle maison, située à Paris, rue Saint-Antoine, n° 250, représente une valeur locative de 10 000 francs ; elle payera, comme maison bâtie, une contribution foncière de 320 francs par an en principal, quel que soit son propriétaire, sans compter les autres impôts, bien entendu. Ce propriétaire a-t-il d’autres maisons dans Paris, à Lyon, à Marseille, en Seine-et-Marne, en Seine-et-Oise, à Quimper, à Nice, à Perpignan ? Le fisc ne s’en inquiète pas. Il n’a pas à le rechercher, parce qu’il n’a pas à déterminer le total des revenus de ce propriétaire de la maison n° 250 de la rue Saint-Antoine, en vue de la frapper d’un impôt plus ou moins élevé. L’impôt spécial de la maison n° 250 rue Saint-Antoine est invariable, identiquement calculé comme celui de toutes les autres maisons. C’est que l’impôt sur la valeur locative des