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fiance sont restées les mêmes. Et en tout cas, ce n’est pas le voyage du roi et de la reine d’Italie qui aurait pu les troubler.

Pour en revenir à la crise ministérielle italienne, elle parait dénouée par la désignation que le roi a faite de M. Giolitti en vue de la formation d’un nouveau cabinet. M. Giolitti est un homme habile et expérimenté : son succès est certain, ou plutôt il est acquis. Le roi en a d’ailleurs si peu douté qu’il a quitté Rome après l’avoir choisi, en lui laissant carte blanche. Nous n’avons pas ici à juger ses démarches. Les journaux ont annoncé qu’il les a tournées tout d’abord du côté des socialistes, dont il désirait le concours. L’exemple donné chez nous par M. Waldeck-Rousseau a beaucoup frappé certains hommes politiques étrangers : ils ont cru qu’il suffisait de le suivre pour s’assurer une longue vie ministérielle. Mettre l’ennemi dans la place n’avait pas paru jusqu’ici la manière la plus sure de la défendre : mais tout change avec le temps. Nous regrettons seulement d’être toujours les premiers à faire les expériences périlleuses. Les socialistes italiens, toujours différens des nôtres, ont décliné les offres qui leur étaient faites, soit qu’ils craignissent de désorganiser leur parti par des divergences de vues, des tiraillemens en sens divers et des polémiques analogues à celles qui ont accompagné en France l’entrée de M. Millerand au ministère, soit pour tout autre motif. Celui qu’ils ont donné est qu’ils n’étaient pas mûrs pour exercer le pouvoir ; les nôtres, au contraire, se sentaient mûrs et très mûrs : leur maturité leur pesait. Ils ont donc refusé leurs personnes, mais promis leur appui, ce qui vaut mieux s’il entre dans les intentions de M. Giolitti de reprendre l’affaire manquée du voyage du tsar. Depuis, M. Giolitti a trouvé d’autres collaborateurs au nombre desquels est M. Luzzatti, un constant ami de la France. Au reste, tous les noms reproduits par les journaux donnent à la nouvelle combinaison ministérielle le caractère le plus sympathique, et c’est très cordialement que nous lui souhaitons la bienvenue.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.