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voix discordante. La France et l’Italie n’ont qu’à gagner l’une et l’autre à vivre dans des rapports de bonne amitié, et la seule chose qui nous étonne est qu’on ait mis si longtemps à s’en apercevoir.

A peine rentré chez lui, le roi s’est trouvé aux prises avec une crise ministérielle : M. Zanardelli a donné sa démission. On en a cherché des raisons nombreuses et compliquées alors qu’il y en a une toute simple, à savoir que M. Zanardelli est âgé, fatigué, que sa santé a besoin de ménagemens, enfin, il faut bien le dire, qu’il ne dispose à la Chambre que d’une majorité assez instable. Son ministère, qui a dû être remanié plusieurs fois, n’a pas retrouvé depuis une assiette bien solide. Aussi était-ce un bruit déjà très répandu, lorsque la Chambre est partie en vacances, qu’elle trouverait un autre cabinet à son retour, ou que, si M. Zanardelli consentait à faire un dernier effort, il ne pourrait pas le soutenir longtemps. Après avoir rendu à son pays des services que ses adversaires eux-mêmes reconnaissent, il avait droit au repos, et, puisqu’il invoquait ce droit, ni le roi ni personne ne pouvait le lui refuser. La démission a donc été acceptée. C’est une carrière politique qui s’achève ; elle a été souvent utile, toujours honorable, et les derniers jours n’en ont pas été sans éclat. Le voyage du roi et de la reine à Paris a été, dans les conditions où il s’est accompli, un succès pour M. Zanardelli, et, si ses compatriotes lui en sont reconnaissans, il en est de même de nous.

On a dit toutefois qu’il y avait eu une ombre au tableau, et qu’elle y avait été projetée par l’ajournement du voyage de l’empereur Nicolas à Rome. Le voyage était chose convenue, décidée, arrangée ; le roi Victor-Emmanuel y comptait d’une manière absolue, lorsque, au moment même où il partait pour la France, il a reçu une lettre lui annonçant que l’exécution en était remise à une époque indéterminée. Pourquoi ? Les socialistes italiens, moins circonspects et moins réservés que les nôtres, avaient rédigé et signé un manifeste où ils engageaient leurs camarades à ne prendre aucune part aux fêtes annoncées : le document était enrichi de considérations désobligeantes pour la politique de l’empereur de Russie et même pour sa personne. Il ne faut cependant pas exagérer l’importance de ce morceau de papier. Bien qu’il ait été signé par un nombre notable de parlementaires amis du gouvernement, celui-ci ne pouvait encourir de ce chef aucune responsabilité. Nous voyons par ce qui se passe en France que, lorsqu’on fait ménage avec les socialistes, on n’en est pas pour cela le maître. D’ailleurs, le manifeste des socialistes italiens n’était que l’œuvre d’une partie d’entre eux, et de la minorité. Et enfin quand nous