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faits qui ne dépassent point, par leur généralité, les circonstances de l’observation, et qu’il en est ainsi pour les traits de l’histoire naturelle monographique de tel ou tel être vivant. C’était dire aussi qu’il y en a d’autres, au contraire, qui, observés sur tel ou tel animal, chien, lapin ou cobaye, sont encore vrais sur tous les autres ; et que précisément les études exécutées par le physiologiste expérimentateur sur les animaux supérieurs prétendent à cette universalité.

On a souvent émis l’assertion que la physiologie des animaux inférieurs devrait tout à celle des animaux supérieurs, tandis que cette dernière n’aurait rien dû à l’autre. Une affirmation si tranchante ne saurait être vraie. Il est seulement très certain — et l’on peut regarder comme une vérité de fait — que le progrès des connaissances s’est toujours accompli, dans le monde biologique, de haut en bas. Par exemple, la circulation, la respiration, la digestion, la sécrétion, ne sont devenues intelligibles chez les invertébrés ou même chez les protozoaires qu’après qu’elles ont été connues chez les mammifères et les autres vertébrés.

C’est là une conséquence de la loi de la Division du travail physiologique. Chez l’être rudimentaire, dans la cellule par exemple, beaucoup d’activités sont indiscernables parce qu’elles sont confondues dans un champ anatomique restreint, tandis que chez l’être compliqué, la différenciation anatomique et physiologique poussée très loin les rend manifestes. On connaît le mot profond d’Auguste Comte à ce sujet : « Les êtres vivans nous sont d’autant mieux connus qu’ils sont plus complexes. » « Dès qu’il s’agit des caractères de l’animalité ajoute-t-il, nous devons partir de l’homme et voir comment ils se dégradent peu à peu, plutôt que de partir de l’éponge et de chercher comment ils se développent. » On peut se dispenser de discuter ce point de doctrine et de méthode. Il suffit qu’en fait les choses se soient passées ainsi, et que nos connaissances des mécanismes vitaux aient été acquises par cette voie descendante pour que nous y persévérions.

D’ailleurs le temps de ces querelles est passé. Les biologistes des diverses observances ne cherchent plus les occasions d’exalter la précellence de leur règle aux dépens des autres. Ils savent que leurs efforts combinés sont utiles ou même nécessaires pour la conquête des vérités nouvelles et pour l’interprétation correcte des faits acquis. La physiologie des animaux inférieurs et celle des animaux supérieurs concourent chacune pour sa part au résultat. — Les progrès récens de nos connaissances sur les fonctions du foie fournissent un exemple caractéristique de ce que peut leur association.