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impulsion qu’il lui donne, malgré la crise nationale que traverse toute l’industrie française, malgré toutes les entraves, toutes les misères et toutes les servitudes de la guerre, de l’invasion, de la Commune, de deux sièges consécutifs, dès 1871, l’ancienne usine est insuffisante : il faut en construire une nouvelle. C’est l’enfance, qui a duré douze ans. Dans l’adolescence, qui dure quelques années encore, l’établissement de Saint-Denis ne cesse de croître, jusqu’à ce que, plus que doublé, il s’épanouisse en pleine maturité. Il l’atteint complètement, sous la forme collective, vers 1897, lorsque la Société L… et Cie acquiert, aux Quatre-Chemins à Pantin, une verrerie tombée, qu’elle relève, en la spécialisant dans la fabrication de certains articles de consommation courante. Usine à Saint-Denis, usine à Pantin, bureaux et maison de vente à Paris, 1200 ouvriers, capitaux associés : on voit que les verreries de Saint-Denis procèdent légitimement de la grande industrie et appartiennent à la variété la plus moderne de l’espèce.

Aux Verreries et Cristalleries de Saint-Denis, le travail est distribué, entre quatre ateliers ou services : 1° halles de fusion et travail du verre ; 2° taillerie et coupage ; 3° ateliers de décoration ; 4° magasins et services d’expédition. Le spectacle d’une verrerie a été trop souvent décrit pour que nous essayions à notre tour de le rendre. D’autre part, le mécanisme de la fabrication du verre est trop connu pour que de nouveau nous l’exposions. Aussi bien, ce n’est ni la matière, ni le procédé, ni la « richesse, » pour employer le langage des économistes, ce n’est même pas, dans la rigueur des termes, le travail, c’est l’ouvrier au travail, c’est l’homme en action que nous venons chercher ici.

Dans un coin de cour, un tas de sable très blanc ; dans des caves ou soutes en sous-sol, où l’on accède par une pente douce, d’autres tas d’une autre substance blanche, la soude ; en bordure sur le chemin, séparés par des planches qui forment grossièrement et hâtivement cloison, des tas de débris bleus, verts, multicolores, les roses seuls mêlés aux blancs, parce que seul le groisil de verre rose mêlé au sable blanc et à la soude blanche peut donner encore du verre blanc. Là-haut, au sommet de la rampe, au-dessus des caves à soude, une vaste halle, trouée de larges ouvertures, et comme coupée en quatre par un double courant d’air, et comme étoilée de taches rouges. D’espace en