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pâleur mate, peinte, non vivante, cette finesse de race épuisée et les grappes de légères fleurs, jaune et or, enroulées au luisant de leur crin noir.

Mais on cessait de les regarder en découvrant ce qu’elles-mêmes suivaient de leurs yeux levés : là-haut, à gauche, sur une estrade, une danse cérémonieuse, très lente et très solennelle d’enfans. Des tout petits de cinq et six ans en vêtemens hiératiques, en robes rigides, — lames et volans cornus, — comme celles des énigmatiques figures féminines sculptées aux portes des monastères. Leurs sérieuses petites têtes portaient une tiare aiguë, un cône à degré qui se bombait avant de s’effiler en aiguille, scintillante architecture où venait se répéter encore la sempiternelle forme de la pagode birmane. Des plaques de cuivre, des pendeloques descendaient de cette mitre, et, par-dessus les oreilles, se rejoignaient sous le menton, encadrant de richesse métallique et massive l’ovale blême de la face débile, le changeant en masque d’hiérodule. Leurs épaules, leurs poignets harnachés de choses dorées et pesantes qui ressemblaient à des ailerons, on aurait pu les prendre, ces petits, pour les génies apparus de cette Indo-Chine si puérile et si vieille, si falote et mystérieuse. Le poids et la longueur démesurée de la tiare-pagode leur raidissait le col et le visage. Dans la fente de leurs paupières ne luisait, parfois, que du blanc sans regard. En cadence oscillaient les rangs épais, les éclats de leurs colliers, au rythme endormant de leurs ondulations. Et leurs petits bras s’écartaient, et leurs mains grêles se retournaient…

Longtemps encore, avec des lenteurs de sommeil, avec une science antique, ils dansèrent la danse énervante et raffinée.


Une grande dame birmane est montée à bord ce matin, retournant chez elle, en Basse-Birmanie, de cette fête dont nous n’avons pas su la raison. Elle ne s’est point mêlée à la foule des passagers indigènes. Avec ses quatre serviteurs, elle a pris place sur le pont inférieur, à l’arrière du bateau, et tous font une petite bande à part, dont j’aime à suivre les jolis gestes et le manège familial.

Sa pose dit son rang : elle est assise dans un fauteuil, à l’européenne et, très droite Ses pieds, dont le bout passe sous le