le premier qui fasse grief à Napoléon de cette omission comme d’une injustice voulue, préméditée. Bien des motifs d’ordre divers ont pu dicter les premiers choix faits par le maître. Nous serions mal venus au bout d’un siècle à en contester le mérite et à vouloir juger mieux que lui de la valeur respective de ses généraux. Qui donc les connaissait plus à fond que lui, qui avait plus d’intérêt à les bien choisir, non seulement pour sa gloire, mais pour le succès de ses armes ?
En tous cas il offrait au nouveau grand-officier de la Légion d’honneur l’occasion de se distinguer encore en le plaçant comme divisionnaire au 6e corps dans la campagne de 1805. Sous les ordres de Ney, Dupont se trouva près d’Ulm, à Haslach, dans une situation peu différente de celle où il s’était trouvé à Pozzolo sous les ordres de Brune. Avec 5 000 hommes il eut à soutenir l’effort de 25 000 Autrichiens ; là aussi, il les mit en déroute et leur fit 4 000 prisonniers. Là aussi, comme au passage du Mincio, il se trouvait seul sur la même rive que l’ennemi pendant que le gros de l’armée française restait sur la rive opposée.
Dans cette journée qui lui fait tant d’honneur et que M. Thiers appelle extraordinaire, il eut le tort grave de corriger une faute de l’Empereur. Celui-ci n’aimait pas qu’on pût même entrevoir qu’il s’était trompé. Aussi ni la bataille de Haslach, ni le nom de Dupont ne figurent-ils dans les bulletins de la Grande Armée. Détails tout à fait secondaires aux yeux du maître, dans l’ensemble glorieux d’une campagne qui avait commencé par la capitulation de l’armée autrichienne à Ulm et fini par Austerlitz. C’est toujours au fond la même pensée qui n’a rien de désobligeant pour Dupont personnellement, qui ne le vise pas en particulier, qui s’applique à ses camarades aussi bien qu’à lui : tout rapporter, tout subordonner à la gloire de Napoléon. La preuve que la personne de Dupont n’est pas systématiquement mise à l’écart, c’est que son nom est très honorablement cité à propos d’une autre affaire, du combat d’Albeck dont l’Empereur peut recueillir plus directement le bénéfice.
Ceux qui se sont occupés des campagnes de Napoléon savent depuis longtemps qu’il ne faut pas prendre à la lettre les bulletins militaires dictés par lui. Si le fond en demeure vrai, les détails subissent des modifications et des retouches calculées avec intention pour frapper l’opinion avec plus de force, pour faire valoir davantage les conceptions stratégiques et le génie