Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demeure ouverte ; mais à chaque jour suffit sa peine : commençons par ce qu’on peut faire aujourd’hui. C’est ainsi que paraissent avoir raisonné les deux empereurs et leur attention s’est portée principalement, sinon exclusivement, sur l’organisation d’un contrôle qui veillerait d’une manière sérieuse à l’exécution des réformes, et servirait de garantie à la Bulgarie et à l’Europe. Que ce contrôle soit utile, nécessaire, indispensable, rien n’est moins douteux. Il y aurait quelque puérilité à s’en remettre, pour la réalisation des réformes, à la bonne volonté de la Porte seule, d’abord parce qu’il y a tout lieu de croire que cette bonne volonté n’existe nullement, et ensuite parce que, à supposer qu’elle existât, elle aurait les plus grandes chances de rester inefficace si l’Europe ne la secondait pas, ne la stimulait pas, ne l’aidait pas à surmonter les obstacles par un concours de tous les instans. L’expérience a montré, trop souvent pour qu’on ne se décide pas à en tenir compte, à quel point on pouvait peu se fier aux promesses de la Porte. Elles ont toujours ressemblé aux vœux, d’ailleurs très sincères, que Panurge adressait au ciel pendant la tempête, et qu’il oubliait le lendemain. Rien ne se fera par le gouvernement ottoman seul : il faut donc que, sous une forme ou sous une autre, il sente l’Europe derrière lui.

Deux questions principales se posent : l’une est de savoir comment le contrôle européen sera organisé, l’autre s’il convient de nommer en Macédoine un gouverneur chrétien. Il semble plus facile de s’entendre sur la première que sur la seconde : le contrôle, tout le monde en est d’accord, doit être assuré par la surveillance des consuls européens en Macédoine. Mais comment doit-il s’exercer ? Nous n’avons aucune réponse à faire à une question aussi délicate, et nous ne connaissons pas encore celle qui a dû être faite par la Russie et par l’Autriche.

On se demande si le contrôle devra être exercé par les consuls de toutes les grandes puissances, ou seulement par ceux de l’Autriche et de la Russie. La première solution serait certainement la plus rationnelle, et la seconde peut-être la plus efficace, s’il est vrai, comme nous avons eu l’occasion de le faire remarquer plus d’une fois, que l’efficacité de toute intervention collective est en raison inverse du nombre de ceux qui y prennent part. Ici, une seconde question se présente, qui est de savoir si les populations balkaniques ne seront pas elles-mêmes associées au contrôle. Dernièrement la Bulgarie avait demandé à collaborer à l’œuvre de la Porte, et celle-ci, avec son habileté habituelle, avait répondu qu’elle ne demandait pas mieux, mais alors que la Grèce et la Serbie devaient y collaborer également.