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fatigue qui commence à se manifester du côté des révolutionnaires bulgares, sans parler de l’hiver qui vient ou qui est déjà venu, tout cet ensemble de faits a créé une situation nouvelle, et on peut croire qu’elle évolue dans le sens de l’apaisement. Cet apaisement sera-t-il définitif ? Il serait téméraire de le dire. Cela dépendra de beaucoup de choses qui restent incertaines. Mais, au point de tension où on est aujourd’hui, un répit, ne fût-ce que de quelques mois, permettrait à chacun de se recueillir, de faire son examen de conscience, et de se demander, avec un peu plus de sang-froid qu’on ne saurait en avoir au milieu de la révolution déchaînée, ce qui peut le mieux en arrêter le cours, ou l’empêcher de se précipiter de nouveau.

On parle de négociations directes entre la Bulgarie et la Porte. Elles pourraient sans doute, en flattant l’amour-propre de la Principauté, faciliter une détente qu’il convient de préparer par tous les moyens : il est toutefois peu vraisemblable que le Sultan accorde à la Bulgarie autre chose et plus que les grandes puissances ne lui auront demandé. Celles-ci ont investi la Russie et l’Autriche d’un véritable mandat ; elles s’en sont remises à l’empereur Nicolas et à l’empereur François-Joseph du soin d’agir en leur nom auprès de la Porte et du cabinet bulgare, et de dresser le programme des réformes à appliquer immédiatement dans la Macédoine. Le gouvernement anglais, qui parle quelquefois même en dehors des sessions parlementaires, a expliqué qu’il ne renonçait à son initiative, ni pour donner des conseils, ni pour prendre personnellement des résolutions, mais enfin que le premier rôle était abandonné à la Russie et à l’Autriche : ce qui s’explique, a dit M. Balfour, par leur proximité des Balkans et par l’intérêt plus étroit qu’elles prennent aux affaires qui les agitent et les troublent. De là l’importance de l’entrevue des deux empereurs et des conversations de leurs ministres.

Qu’en est-il sorti ? On ne le sait pas encore d’une manière tout à fait précise et sûre : cependant, l’idée qui semble bien s’en être dégagée est qu’il y a quelque chose de plus à faire qu’on ne l’avait pensé jusqu’ici. S’agit-il de développer le programme des réformes ? Nous avons déjà dit qu’on pourrait le faire sans inconvéniens, et même avec avantage, car il très restreint ; mais ce n’est pas dans cette voie qu’on est entré. Peut-être n’y a-t-il de reproches à en faire à personne : avant de dresser un programme, il faut être certain de pouvoir en assurer l’exécution, et, aux difficultés qui se sont présentées jusqu’ici, on peut mesurer celles qui se présenteraient encore si on allongeait sensiblement la liste des réformes. Au reste, cette liste