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contraire de la plupart des médiums, une personne d’une honorabilité et d’une bonne foi parfaites. Et jamais peut-être aucun médium n’a fourni à l’expérimentation des phénomènes plus précis, plus clairs, ni plus décisifs. Par son entremise, non seulement des morts sont entrés en communication avec leurs amis survivans, mais, en maintes circonstances, ils leur ont révélé des détails ignorés de ces amis comme de Mme Piper, et qui se sont trouvés exacts après vérification. N’est-ce pas là une preuve nouvelle, et directe, celle-là, de l’immortalité de l’âme, ou du moins de sa survivance à la mort corporelle ? De telle sorte que Myers, dans la conclusion de son livre, demande que, dès maintenant, cette survivance soit admise parmi les vérités scientifiques : car il est avant tout respectueux de la science, se refusant à admettre la possibilité d’aucun phénomène surnaturel, et allant même jusqu’à s’interrompre de ses considérations sur les messages des esprits pour railler ce qu’il appelle le « bas égoïsme » et la « superstition grossière » des catholiques qui espèrent trouver à Lourdes la guérison de leurs maladies. La survivance de l’âme, d’après lui, n’est d’ailleurs qu’un nouveau chapitre de la grande doctrine de l’évolution. Elle n’a rien à voir avec les hypothèses surannées du ciel et de l’enfer, n’étant qu’une occasion offerte à l’homme de poursuivre indéfiniment le progrès que constitue déjà son existence terrestre. « Et tout porte à supposer, ajoute l’auteur anglais, que, en même temps que les hommes incarnés s’élèvent de la barbarie à l’intelligence, les hommes désincarnés, par l’effet d’une évolution parallèle, acquièrent sans cesse davantage le pouvoir de communiquer avec le monde terrestre. »

Voilà quelle est, dans ses lignes principales, la théorie de Frédéric Myers. Elle repose, d’une part, sur une série d’inférences logiques dérivant de l’hypothèse initiale d’un moi inconscient, d’autre part sur un petit nombre de phénomènes de spiritisme qui, au dire de l’auteur, ne pourraient absolument pas s’expliquer autrement que par l’intervention personnelle et immédiate d’âmes humaines « désincarnées. » Or ce second argument, d’abord, ne soutient pas l’examen. Les phénomènes racontés tout au long dans le livre de Myers sont assurément fort étranges ; et la bonne foi des médiums, le soin minutieux apporté à l’observation et au contrôle des faits, rendent effectivement assez peu probable l’idée d’une supercherie. Mais il n’y a pas un seul de ces phénomènes qui, comme le prétend Myers, ne puisse absolument s’expliquer que par l’intervention d’esprits d’un autre monde. Toujours, même dans les deux cas que j’ai cités plus haut, nous