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conscient, ou, suivant l’expression de Myers, notre moi supraliminal, s’étend un autre moi, subliminal, dont nous n’avons aucune conscience à l’état ordinaire. Sans cesse seulement ce moi subliminal projette des rayons rapides dans notre vie consciente : et parfois, sous certaines influences, il se substitue au moi conscient, comme dans les cas de « désintégration de la personnalité. » Un homme, tout à coup, oublie son nom, sa condition, prend un caractère tout différent de celui qu’il a eu jusque-là, devient, en fait, un autre homme : c’est le moi subliminal qui, chez lui, provisoirement ou à demeure, vient remplacer le moi supraliminal. D’autres fois, comme dans le cas du génie, le moi subliminal se charge d’aider, d’approvisionner, de diriger le moi conscient. Dans le sommeil, aussi, un échange se fait entre les deux moi : et ici, déjà, on commence à apercevoir toute la profondeur mystérieuse de ce moi subliminal, qui non seulement emmagasine et conserve toutes les impressions de la vie consciente, mais qui peut même entrer en contact avec des faits étrangers à cette vie, ainsi que le démontrent des cas nombreux de visions, de prévisions, de pressentimens, éprouvés en rêve. Délivré des contraintes que lui impose, à l’état de veille, sa dépendance étroite à l’égard du corps, l’esprit, dans le sommeil, s’éploie, s’ouvre à l’invasion de tout un monde nouveau de sentimens et d’idées. Car on peut dire que, à toute minute, nous avons deux vies : l’une, consciente, soumise aux conditions de notre, corps, et adaptée aux besoins de notre existence terrestre ; l’autre, inconsciente, affranchie des liens corporels, plongeant par toutes ses racines dans une réalité supérieure. Et le sommeil a précisément pour objet de maintenir et de renouveler, de jour en jour, l’union de ces deux vies, de façon à nous permettre de nous munir, dans notre moi subliminal, de la somme d’énergie spirituelle nécessaire pour notre vie consciente. Aussi n’y a-t-il rien de plus normal, ni de plus facile à expliquer, que les phénomènes, même les plus étranges en apparence, de l’hypnotisme. Celui-ci n’est proprement qu’une exagération, une mise en relief, du sommeil : ou plutôt encore l’hypnotisme est quelque chose comme un sommeil « expérimental, » « un appel direct au moi subliminal. » Et Myers n’hésite pas à nous affirmer, à ce propos, la possibilité d’un relèvement moral de l’être humain par la suggestion hypnotique. Mais le principal mérite des expériences d’hypnotisme est de nous renseigner, mieux encore que ne fait le sommeil, sur la portée lointaine, vraiment incalculable, du moi subliminal. C’est en effet par la suggestion hypnotique que l’on arrive surtout à produire des phénomènes d’hallucination et de télépathie,