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qui considère la science comme formant un bloc ; quand ils parlent de la science, les savans entendent : les sciences. Entre ces sciences, l’équilibre ne s’est pas établi, mais il y a rivalité, et on se demande aujourd’hui si on n’a pas fait fausse route en donnant à une catégorie de sciences la prédominance sur toutes les autres dans l’enseignement : « Bien loin que les mathématiques doivent nous occuper exclusivement, nous devons nous élever contre la prépondérance que l’enseignement secondaire leur a donnée sur les autres sciences. » Ce sont encore les non-savans qui s’imaginent que dans l’ordre scientifique il n’y a pas de place pour l’incertitude : en fait, nous voyons qu’on n’est pas d’accord sur la méthode dont on doit se servir pour les enseigner. Quoi ! Deux méthodes en mathématiques, comme on disait jadis : deux morales ! Il faut bien en croire un homme de la partie. « À ces obstacles qu’on lui impose, l’enseignement mathématique en ajoute un autre venant de lui-même et de sa méthode. Celle-ci est, comme on sait, la méthode euclidienne, immortel édifice qui domine encore aujourd’hui toutes les mathématiques… Si une telle méthode est indispensable aux mathématiciens, si elle est même considérée comme nécessaire aux élèves qui sont arrivés à un certain degré d’instruction, on doit se demander s’il n’y a pas de graves inconvéniens à l’imposer immédiatement aux commerçans. » Pour ce qui est de la méthode d’après laquelle on enseigne aujourd’hui les sciences naturelles. M. Hadamard la compare à celle de ce professeur de gymnastique qui faisait faire à ses élèves des compositions écrites. Le malheur est que cette méthode qui consiste à dicter un cours, faire étudier dans un livre et donner des problèmes à résoudre sur le papier semble bien imposée par la force même des choses. C’est au laboratoire qu’on s’initie vraiment aux méthodes de la découverte scientifique ; ce n’est pas sur les bancs du collège. De même il y a sans doute une sorte d’enthousiasme scientifique qui peut élever l’esprit et l’emporter dans les plus hautes régions. Mais ne nous payons pas de mots : reconnaissons que cet enthousiasme est la récompense d’un long commerce avec la science, mais qu’il ne saurait être l’effet de l’étude balbutiante, fragmentaire et incomplète des élémens des sciences. Et puisqu’on prétend adapter l’enseignement aux conditions de notre époque, ne cessons pas de tenir compte de ces conditions dès qu’elles deviennent gênantes pour notre thèse. Nous vivons dans une époque où les conditions d’existence matérielle sont de plus en plus rudes et difficiles, où la concurrence se fait sentir avec une âpreté grandissante, où il faut se faire tout de suite sa place. Nos