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troublantes. M. Paulin Malapert constate que notre enseignement vient de subir une opération : « Les médecins accourus au chevet du malade ont reconnu nécessaire une intervention chirurgicale. Elle vient d’avoir lieu et ce nous est tout à la fois un motif d’espoir et un sujet d’angoisse ; car, chacun le sait, à la suite des merveilleux progrès accomplis par la chirurgie, il est devenu possible de formuler cette sorte de double loi : on ne meurt plus d’une opération, on n’échappe guère à ses suites. » Le moyen, en effet, d’échapper aux suites d’une opération qui consiste, paraît-il, dans l’amputation des jambes et l’ablation de la tête ? Pour parler sans métaphore, « je vois très bien, continue le même professeur, comment il se pourrait faire que d’ici une vingtaine d’années l’enseignement secondaire eût vécu. Cette disparition serait la suite naturelle d’une évolution dont il est facile de se représenter les divers stades, dont la possibilité, la probabilité ne sont pas malaisées à apercevoir, dont même, à de certains symptômes, il est permis de croire qu’elle est déjà commencée, du moins dans les vœux de certains. » M. Malapert est philosophe, et c’est donc de la philosophie qu’il mène le deuil. M. Croiset, qui professe les lettres anciennes, déplore le discrédit où elles sont tombées. M. Lanson, qui est professeur de littérature française, est amené à concevoir comme possible une éducation nationale où les professeurs de littérature française ne seraient que les premiers des « professeurs d’agrément. » Au moins le professeur de sciences se déclare-t-il satisfait ? Si la leçon de M. Hadamard a été placée à la fin du volume, c’était, pensions-nous, parce que toutes les autres devaient converger vers elle, et parce que le travail de réforme devait avoir eu pour résultat d’installer sur les ruines de tous les autres un enseignement scientifique capable de recueillir leur succession. Quelle n’a pas été notre stupeur à constater que les lamentations des professeurs de sciences font écho aux angoisses des professeurs de lettres et de philosophie ! M. Hadamard estime que, dans certaines sections, l’enseignement des sciences est dérisoire, réalisant ce prodige d’être devenu inférieur à ce qu’il était précédemment ; et il est d’avis que, dans les autres sections, les sciences ne sont pas réparties suivant leur importance respective, et sont enseignées d’après des méthodes absurdes, il ne craint même pas d’écrire : honteuses ! Le désarroi général, et la crainte d’une finale disparition, voilà donc l’état que révèlent les aveux des maîtres les plus désireux de conserver à l’enseignement secondaire sa valeur et son efficacité. En sorte qu’il est aujourd’hui aisé d’apercevoir le chemin parcouru en peu de temps. Nous avions en France un