ardemment épris, et, tel que nous le connaissons, nous avons quelque raison de supposer qu’il manifestait ses sentimens sous les formes les plus propres à flatter l’orgueil de sa maîtresse et à toucher son cœur.
Tout était d’ailleurs sujet d’étonnement pour les voyageuses. N’ayant jamais quitté leur province, chaque étape leur réservait quelque surprise, non comparable cependant à celle qu’elles éprouvèrent à leur entrée dans ce Paris qui depuis si longtemps les attirait. En décidant de s’y rendre et de s’y fixer, elles avaient fait preuve d’une rare intrépidité. Il fallait être intrépide en effet pour oser se montrer dans la capitale alors que tant de gens ne songeaient qu’à s’enfuir, que les nobles et les riches étaient traqués, les prisons remplies, le tribunal révolutionnaire en plein fonctionnement et la guillotine en permanence. Mais, ces dangers ne semblent pas les avoir effrayées, ni même préoccupées, puisque, loin de se cacher, elles se mêlèrent aussitôt à toutes les manifestations de la vie publique, confiantes dans les protecteurs qu’elles s’étaient donnés.
On voudrait pouvoir préciser ici en quel logis elles s’installèrent. Ce fut peut-être chez Hérault de Séchelles, qui, dans la maison de sa grand’mère Hérault, rue Basse-du-Rempart, occupait deux étages. Les papiers dont la saisie suivit son arrestation font allusion, sans la nommer, à une « citoyenne » qu’on voyait chez lui, comme à demeure, et à qui s’adressaient parfois les solliciteurs qui venaient présenter quelque requête au député. Il n’est pas impossible que cette citoyenne fût Adèle de Bellegarde. Mais ce n’est là qu’une hypothèse qu’on ne peut, malgré sa vraisemblance, transformer en affirmation.
Nous sommes mieux informés en ce qui touche le genre d’existence qu’adoptèrent les deux sœurs une fois à Paris. Ce qu’a écrit sur elles une personne qui les a connues vers ce temps permet de se le figurer. « Elles étaient contentes de devenir Françaises, et ce que cette époque avait de désastreux frappait à peine des étrangères sans parens, sans habitudes, dont lu jolie figure, la jeunesse, plaisaient à tous les yeux, qui réfléchissaient peu sur les mesures publiques et n’avaient personne ni aucune chose à regretter… Rien ne leur faisait donc partager le deuil commun, et cette première indifférence, quand tout le monde dans le pays répandait des larmes, a imprimé sur elles une singularité qui ne manque pas d’un certain attrait piquant, mais qui