leurs liens, je ne doute pas que, d’ici à trois mois, le divorce ne soit décrété. Si vous en profitez, que m’en reviendra-t-il ? Prendrez-vous de nouveaux liens avec votre ami, ou resterez-vous libre ? » Le divorce fut décrété ; la belle en profita et, son mariage annulé, ne garda plus aucune mesure dans ses débordemens. Elle eut de nombreux complices, et, durant quelques mois, Hérault put se croire le préféré.
La société dans laquelle il vivait alors se composait surtout de spéculateurs véreux, qui trouvaient avantage à fréquenter les hommes au pouvoir et dont ceux-ci utilisaient les relations et le crédit, soit pour se procurer des ressources, soit pour être informés de ce qui se passait à l’étranger, soit enfin pour y faire savoir ce qu’ils voulaient qu’on y sût. Dans cette bande d’aigrefins, produit spontané des démocraties naissantes, brillaient l’abbé d’Espagnac, l’ancien factotum de Calonne, rallié en apparence à la Révolution, mais qu’on soupçonnait de jouer double jeu pour se faire bien voir de tous les partis, de servir les républicains en trahissant les royalistes et les royalistes en trahissant les républicains ; Pereyra, qui avait ouvert rue Saint-Denis, avec cette enseigne : « Au bonnet de la Liberté, » un débit de cigares de la Havane et de la Martinique, lequel n’était qu’un prétexte à de louches opérations financières ; Proly, sujet autrichien, bâtard du prince de Kaunitz, assurait-on, qui s’était insinué dans les régions politiques afin probablement d’alimenter les rapports qu’on l’accusa plus tard d’envoyer à l’étranger ; Dubuisson, homme de lettres mêlé à tout et bon à tout.
Ce monde interlope, familier des couloirs de la Convention, à tu et à toi avec les membres du Comité de Salut public, faisait fortune sur le dos de la République, grâce à la complicité de députés besogneux dont il payait l’influence en pots-de-vin et en parts de bénéfices. Alors que les Français, déjà victimes de lois arbitraires, préludaient à la terreur prochaine par la misère que créait l’arrêt progressif de tout commerce et de toute industrie, ces accapareurs se récréaient, godaillaient, menaient joyeuse vie, associaient à leurs débauches des personnages politiques tels que Danton, Hérault de Séchelles, le capucin Chabot, Bazire, Fabre d’Églantine, et de jolies femmes faciles et vénales, telles que la Sainte-Amaranthe et la Morency.
Pour l’honneur de la mémoire de Hérault, on voudrait qu’il n’eût pas vécu dans ce milieu taré. Mais la vérité oblige à dire