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de Contades et d’un de ses lieutenans, le marquis d’Armentières. « Je viens d’être battu, écrivait le premier. Je suis forcé de passer le Weser pour me retirer par la Hesse. » D’Armentières entrait dans plus de détails : « Nous avons attaqué ce matin les ennemis et ils nous ont battus. La cavalerie, la gendarmerie et les carabiniers ont beaucoup perdu. Nous avons attaqué de l’infanterie anglaise qui nous a bien entamés sans pouvoir la défaire. Il n’y a que trois ou quatre escadrons des ennemis qui aient paru. On a déterminé de se retirer en Hesse par la rive droite du Weser. Nous allons marcher toute la nuit. »

Naturellement, comme il arrive toujours en pareil cas, on exagérait l’importance du désastre. On parlait de quinze mille morts. On traçait de la retraite commencée le tableau le plus sinistre. On la représentait comme une fuite désordonnée qui nous faisait perdre tout le terrain conquis. On voyait déjà les Anglais et les Prussiens passant la frontière dépourvue de défenseurs. Maintenant qu’on commençait à connaître la composition des troupes qui avaient pris part à l’action, on se demandait, sans parvenir à se l’expliquer, comment « soixante escadrons de la première cavalerie de l’Europe, combattant en plaine, n’avaient pu rompre et refouler neuf ou dix bataillons d’infanterie, tandis que, quelques instans après, une poignée de cavalerie ennemie avait mis en déroute quatre brigades d’infanterie[1]. »

Les adversaires du maréchal de Contades dénonçaient son incapacité, accusaient l’insuffisance et la défectuosité de ses dispositions, lui faisaient honte d’avoir laissé saisir ses équipages et jusqu’à sa correspondance[2]. Ses amis protestaient, imputaient au duc de Broglie, qui commandait sous ses ordres, la responsabilité de l’échec, lequel, disaient-ils, était uniquement dû au

  1. Belle-Isle à Contades, à août 1750, Archives de la Guerre.
  2. « J’ai, je vous l’avoue, toujours sur le cœur la perte de vos gros équipages, qui sûrement n’auraient pas été pris si chacun avait fait ce qu’il pouvait. Je partage de tout mon cœur ce que vous y avez perdu personnellement. Je suis véritablement peiné de tous vos papiers et de ceux de M. de Monteynard. Vous me permettrez de vous dire que, pour un homme aussi prudent que vous l’êtes, il ne faut jamais laisser des papiers dans les circonstances où vous vous êtes trouvé, éloignés de votre personne. J’ai appris cela des premiers généraux sous lesquels j’ai servi. Il faut toujours, en pareil cas, les mettre avec le Trésor, qu’on a toujours en garde particulière et qu’on a toujours soin de faire passer en sûreté. Je l’ai toujours pratiqué dans ma marche de Prague, où ils étaient toujours après le Trésor, avec ordre à un secrétaire d’y mettre le feu en cas de malheur. Je voudrais de tout mon cœur vous avoir fait part plus tôt de cette anecdote. » Belle-Isle à Contades, 13 août 1759, Archives de la Guerre.