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seulement la liberté du commerce. Les Anglais eux-mêmes pratiquent couramment cette distinction en Afrique : ainsi l’article 16 de la charte de l’Impérial British East Africa prohibait tout monopole commercial, exactement comme l’Acte de Berlin, alors que l’article 23 autorisait la compagnie à céder le sol de son domaine, à bail ou autrement, en toute liberté. L’Union congolaise a d’ailleurs demandé une consultation à Me Henri Barboux, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, et les conclusions de l’éminent praticien sont la confirmation énergique et juridiquement irréfutable des jugemens rendus contre les Anglais. Battus, sans espoir de revanche, sur ce terrain particulier, ceux-ci ont entamé une campagne nouvelle, où serait engagé le régime des concessions tout entier. Ils englobent dans une même réprobation vertueuse le Congo français et l’Etat indépendant, « enfer des indigènes ; » ils dénoncent le « système concessionnaire, » emprunté par les Français à la « clique belge » (sic), comme attentatoire à la dignité des noirs ! Le danger pour nous serait de nous laisser entraîner, à propos d’un litige minime et local, à discuter avec des étrangers de vastes problèmes tels que ceux traités naguère par le Congrès de Berlin. L’État du Congo ne manque ni d’hommes ni de ressources pour se défendre, et son Bulletin officiel a déjà publié plusieurs de ses argumens. Au Congo français, la situation très simple est celle d’un propriétaire qui se décide, après des années d’indifférence, à faire clore son domaine et garder sa chasse ; il n’y a donc pas là matière à arbitrage. Tout ce que nous pourrions admettre, c’est que les maisons anglaises en cause, ayant subi du fait de l’octroi des concessions un préjudice réel, nous aurions intérêt à leur consentir non une indemnité (elles n’y ont aucun droit), mais une libéralité gracieuse : les hommes d’affaires anglais qui sont à la tête du mouvement comprendraient fort bien une proposition de ce genre, et notre politique doit être de circonscrire et d’aplanir ce différend.

Ce que nous ne saurions supporter d’aucune manière, c’est que l’on prétende nous faire la leçon sur nos procédés à l’égard des indigènes : nulle part les noirs ne sont mieux traités que dans les colonies françaises, Congo compris, et ni les Anglais, après la guerre du Transvaal, — contre des blancs ! — ni les Allemands, après de récens scandales coloniaux, ne sont très qualifiés pour se poser en professeurs d’humanité. Les « Sociétés de