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commerçans musulmans ou islamisés, pressentant en nous des rivaux, ont sournoisement excité les fétichistes. De là, si l’on veut rétablir la sécurité, la double nécessité d’occuper efficacement le pays et d’arrêter, aux limites qu’elles n’ont pas encore franchies, les influences musulmanes. Pour y pourvoir, des tirailleurs réguliers valent mieux que des miliciens, et coûtent finalement moins cher ; l’expérience en est aujourd’hui faite au Congo ; deux ou trois tirailleurs, en garnison dans une factorerie, suffisent à maintenir l’ordre, sans violences, par le seul prestige de leur uniforme, de leur discipline et de l’autorité qu’ils tiennent des blancs. Les concurrences commerciales des traitans musulmans se briseront bien vite contre une ligne de marchés français ainsi défendus, et c’est surtout par le commerce, on ne saurait trop le répéter, que l’Islam pénètre parmi les noirs fétichistes de l’Afrique centrale : il suffit donc d’organiser nos transactions avec quelque méthode pour le rendre rapidement inoffensif.

Le gouvernement vient aussi de commencer l’inventaire du Congo : M. Bouchaut, inspecteur des colonies, envoyé en mission par le ministère, a rédigé un rapport plein d’enseignemens sur l’état économique de la colonie au milieu de 1901 : 1 000 hectares à peine étaient alors cultivés, presque tous à la côte, en café, cacao, par places en vanille et caoutchouc. Or, le cocotier viendrait bien sur le littoral ; l’élevage serait possible sur des points bien choisis, avec du bétail amené du Dahomey ou de l’Angola ; les forêts de l’intérieur sont riches en essences précieuses ; les rivières sont très poissonneuses, et la pêche indigène, bien dirigée, pourrait fournir les élémens d’un commerce notable ; il existerait des mines de cuivre, de qualité supérieure, entre Brazzaville et Loango ; quant à l’ivoire, il semblait en voie de diminution… Les sociétés concessionnaires n’ont pas négligé les conseils de M. Bouchaut ; elles comprennent que le mono-commerce du caoutchouc ne les dispense pas de chercher d’autres ressources ; il conviendrait, pour donner à ces indications toute leur valeur, d’outiller libéralement au Congo deux jardins d’essais : l’un, pour le Gabon, à Libreville, où déjà existe un établissement assez vaste, mais trop pauvrement doté ; l’autre, pour le versant intérieur, à Ouasso (Sanga), par exemple, ou au confluent de l’Alima et du Congo.

Enfin il est grand temps de réunir des documens assez précis pour substituer une cartographie définitive au provisoire dont nous nous contentons encore ; un arrêté du 1er octobre 1902,