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entreprises particulières sur un territoire spécial, le Congo. En peu de mois, le Congo français presque entier fut découpé, — sur la carte, — entre une quarantaine de sociétés dont les capitaux réunis représentaient plus de 60 millions.

D’après les textes organiques, la concession territoriale est de trente ans ; elle est exclusive de la propriété des mines, réserve formellement les « droits des indigènes, » et laisse l’État maître d’exproprier à tout instant, pour cause d’utilité publique, telles parties qu’il jugera opportun. En échange de son droit réel, dont l’exercice de fait ne sera pas sans présenter des difficultés, le concessionnaire s’engage à payer à l’Etat des annuités variables, selon l’ancienneté de sa prise de possession, à faire participer l’État à ses revenus, à lui fournir des contributions pour les postes de douanes, le service postal par vapeurs fluviaux, le réensemencement des lianes à caoutchouc. L’Etat lui doit, de son côté, assistance et protection, car il a gardé en mains tous les pouvoirs de police. Ajoutons que, mis en garde contre l’immixtion des Belges, les rédacteurs des concessions se préoccupèrent de l’arrêter et réussirent du moins à la rendre moins apparente, par une série d’articles destinés à faire prévaloir le caractère français dans la constitution et la direction des sociétés.

Cette expérience de colonisation était assurément recommandable ; plus utilement qu’en toute autre colonie, elle pouvait être tentée au Congo français, parce que la population indigène y paraît moins dense et plus primitive ; elle procède d’une intention louable, qui est d’alléger les charges de l’Etat par des collaborations intéressées. Mais on peut se demander si en 1899, d’une part, le Congo français était prêt à recevoir les concessionnaires et, d’autre part si les concessionnaires étaient prêts à exploiter le Congo. À ces deux questions, nous ne pouvons faire qu’une réponse négative : le Congo français n’avait encore été que parcouru ; aucune enquête méthodique n’y avait été instituée, la délimitation des concessions, faute d’une cartographie même provisoire, était souvent impossible ; le gouvernement eût été fort empêché d’informer exactement telle ou telle compagnie des ressources de son domaine en caoutchouc, en ivoire, en main-d’œuvre indigène. Quant aux hommes d’affaires, aux agens compétens en matière congolaise, on les aurait vite comptés, et nous n’exagérons rien en affirmant qu’ils n’étaient pas une