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apparentées à celle du chemin de fer, se constituèrent en quelques jours. Le roi Léopold, qui avait dû naguère frapper aux caisses princières les mieux défendues, se trouvait maintenant encombré d’offres de concours. Le Congo intérieur, communiquant désormais avec la mer, pourrait écouler sur l’Europe toutes ses richesses, l’ivoire, le caoutchouc, accumulés en amont ; comme par le goulot d’une bouteille brusquement débouchée, ce flot devait rouler, ininterrompu pendant des années dont on ne songeait même pas à préciser le nombre ; le Congo indépendant fut soudainement révélé à l’opinion comme un pays fabuleusement riche, comme un authentique Eldorado. La France, qui avait suivi sans trop s’y attacher l’épopée africaine des Brazza, des Crampel et des Liotard, se souvint alors qu’elle aussi possédait une colonie, de même nom que l’Etat indépendant du Congo ; presque en même temps, par les douloureux incidens de Fachoda, elle apprit que, d’un côté tout au moins, l’ère des conquêtes congolaises était close ; et l’idée poussa chez nous, fougueuse comme une plante des tropiques, que l’heure avait sonné, pour le Congo français, de la « mise en valeur : » le régime des concessions en fut le fruit.

Pour qui connaît d’un peu près les origines du mouvement, il est incontestable qu’il fut d’abord lancé en Belgique même : le Congo indépendant n’assurait qu’une liberté de fait précaire aux initiatives particulières ; administration et commerce s’y confondaient si bien en une association qui paraîtrait scandaleuse en France que beaucoup de capitalistes belges, en présence de concurrences formidablement armées dans tout l’Etat, jetèrent leur dévolu sur le domaine français voisin ; pourquoi des compagnies privilégiées ne réussiraient-elles pas, à droite de l’Oubangui et du Congo, alors que des sociétés similaires avaient fait-fleurs preuves sur la rive gauche ? En France, ces suggestions furent bien accueillies, se propagèrent jusque dans les milieux officiels, et le ministre des Colonies réunit une commission spéciale pour élaborer le régime des concessions et rédiger le cahier des charges. L’expérience étant aujourd’hui acquise, nul ne pourra nous accuser de partialité systématique, si nous affirmons que dans cette commission les jurisconsultes étaient trop nombreux et les coloniaux trop rares. Il s’agissait moins, en effet, d’ajouter à nos codes un chapitre savant et bien équilibré, que de rechercher une formule pratique d’union de l’État et des