bourgade administrative, tandis qu’on aurait dû dès lors l’outiller comme base de pénétration vers le Haut-Congo. Quant à remplacer la route de portage par un chemin de fer, personne n’y songeait en France : les travaux du chemin de fer belge étaient bien commencés à Matadi, point terminus de la navigation maritime du Congo, mais les difficultés rencontrées au début dépassaient toutes les prévisions, et les moins sceptiques, croyant à l’échec prochain de Thys, se souciaient peu de copier son entreprise.
Crampel remonta sans peine le Congo, puis l’Oubangui, jusqu’aux rapides de Bangui, en face du poste belge de Zongo (septembre 1890-janvier 1891) ; du coude septentrional de l’Oubangui, il partit vers le Nord, passant de la forêt équatoriale dans la savane à bouquets d’arbres qui annonce le Soudan ; il traversa des tribus fétichistes parmi lesquelles il constata les déprédations de chasseurs musulmans, venus du Nord. Il devait périr sur cette frontière de peuples : bien reçu d’abord par le sultan d’El-Kouti, Snoussi, il fut ensuite attiré dans un guet-apens et massacré avec tous ses compagnons, blancs et sénégalais, à la seule réserve de M. Nebout et de huit tirailleurs, qui se replièrent sur Brazzaville (mai-juillet). Cette mission, si tragiquement terminée, nous fournit du moins des renseignemens neufs et précis sur l’ethnographie du Congo ; elle nous fit voir que, sur la périphérie du domaine congolais, nous nous heurterions à des sultanies musulmanes, organisées politiquement bien mieux que les peuplades fétichistes du bassin intérieur, contre lesquelles il faudrait nous armer et combattre d’autant que, si l’on peut employer ce mot à propos d’un mouvement islamique, leur croisade de commerce et de guerre gagnait visiblement sur les noirs non encore musulmans. Le problème se posait là pour nous dans les mêmes termes que sur le Haut-Congo pour les Belges, devant les royaumes arabes des Raschid et des Tippo-Tib.
Crampel était à peine parti pour l’Afrique que le traité franco-anglais du 5 août 1890 était signé, reconnaissant les droits de la France sur les rives nord et est du Tchad ; sans attendre des nouvelles de Crampel, le jeune Comité de l’Afrique française envoya pour renforcer sa mission M. Dybowski d’abord, et, bientôt après, M. Maistre ; de son côté, Brazza, « commissaire général du gouvernement dans le Congo français, » organisait la mission Fourneau vers la Sanga et en lançait d’autres sur l’Oubangui.