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Fontanes : mea culpa. Vous savez que je ne crois pas aisément à ces conversions dont on fait bruit, pas même à celle de M. de Talleyrand.

« Paris est beau ; l’autre soir, passant sur le pont des Arts, j’admirais cette Seine souveraine, cette Cité et sa Notre-Dame, tant de silhouettes et de flèches nettement dessinées, les lignes du Louvre, mais surtout le couchant, qui n’a rien ici à envier à ceux des Alpes. Dès que le ciel s’en mêle, il sait bien égaliser les grandeurs. Ce couchant donc était chaud, magnifique et glorieux. Par-delà, par-dessus les Champs-Elysées, s’apercevait, dominant et détaché, l’Arc de Triomphe de l’Etoile, qui faisait nuage noir dans l’or du ciel, et, par son ouverture empourprée, semblait la porte des archanges triomphateurs. J’aurais voulu qu’il fût du côté de Lausanne, mais c’eût été trop beau ; il était juste du côté opposé ; de ce côté des grandes mers et des Atlantiques immenses, orageuses ou pacifiques, où bon gré mal gré nous irons tous, faibles ruisseaux ou fleuves, nous perdre un jour dans le couchant ou la nuit.

« Avez-vous reçu quelque mot d’Emile Deschamps ? Il a été charmé et charmant ; mais je n’ai pu le revoir.

« Où en êtes-vous, madame, de votre travail, de vos projets sur les poètes : quelles questions avez-vous à faire là-dessus ? Il me paraîtrait que vous les avez oubliées.

« C’est bien M. Monnard qui avait écrit à Buloz sur mon cours ; celui-ci m’a promis de lui répondre. Mais, une fois arrivé, j’ai dû prier qu’il ne fût plus question de toutes ces tendresses qu’il faut ensevelir et cultiver de l’autre côté du jura, en se gardant bien d’en trop indiquer le sentier aux loups et aux pourceaux d’ici. Car les pourceaux et les loups abondent…

« Avec quelle admiration ai-je lu un article du Semeur sur l’Ange déchu ! avec quelle édification ! Comme c’est la charité chrétienne dans la critique littéraire ; et penser que probablement Lamartine ne prendra jamais la peine de lire sérieusement cela ; et qu’il dira négligemment peut-être en jetant la feuille : « Ils sont furieux contre moi ‘ » — sans leur en vouloir.

« Quelqu’un lui parlait, quelques jours après la publication, ou essayait de lui parler de son poème : « J’ai lu votre dernier… — Ah ! vous êtes plus avancé que moi, mon cher, car je ne l’ai pas lu encore !

« Vous me tiendrez bien au fait de tout ce détail de concours