avait duré trois ans. Elle eût été beaucoup plus longue si Juste Olivier, à la suite de la révolution qui éclata dans le canton de Vaud en 1845, n’avait été forcé d’abandonner la direction de la Revue, transférée à Neuchâtel et, peu de temps après, ne s’était établi définitivement à Paris.
Voilà donc nos amis installés l’un à côté de l’autre. Ce n’est pas sans une certaine inquiétude que Sainte-Beuve avait vu l’exode des Olivier, car il connaissait son Paris littéraire, et les difficultés qu’il avait déjà rencontrées pour placer quelques articles d’eux dans la Revue des Deux Mondes, malgré la considération dont il jouissait auprès de M. Buloz, n’étaient point pour le tranquilliser sur leur avenir. Tout en continuant d’écrire pour la Revue Suisse, Olivier dirigeait avec une sollicitude couronnée de succès la petite maison d’éducation qu’il avait ouverte sous son propre toit à l’usage des jeunes gens de son pays qui préféraient la vie de famille à la vie de collège. Il collaborait aussi à l’Espérance et au Semeur, journaux religieux de Paris et de Lausanne, et, en attendant qu’il pût lui procurer une situation meilleure, Sainte-Beuve le présentait, lui et sa femme, à tout son cercle d’amis, à Marmier, à George Sand, à Mme Desbordes-Valmore, voire à Mme Récamier.
Sur ces entrefaites, 1848 éclata. Juste Olivier en ressentit durement le contre-coup. Un moment même il hésita à partir pour l’Amérique avec Sainte-Beuve qui, afin de se laver d’une accusation aussi légère que ridicule, avait donné sa démission de bibliothécaire à la Mazarine. Mais il recula devant les frais et les risques de ce lointain voyage et fut nommé vers cette époque professeur de langue et de littérature à l’Ecole dite d’administration qu’on venait d’adjoindre au Collège de France, pendant que Sainte-Beuve s’en allait à Liège faire un cours sur Chateaubriand, qui venait de mourir. Par malheur, cette Ecole d’administration ne dura guère plus que les ateliers nationaux, et Juste Olivier, après avoir participé aux lectures du soir qu’on avait eu la bonne idée de faire aux ouvriers en vue de les familiariser avec les plus belles productions de l’esprit français, fut obligé pour vivre de donner des leçons particulières, de courir le cachet, et d’entrer comme prote d’imprimerie chez Marc Ducloux, son compatriote, qui, chassé, lui aussi, par la révolution vaudoise de 1845, avait cherché un refuge à Paris.
Ce fut dans ces conjonctures que ses relations avec